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Le Top 14, un réservoir de joueurs toujours aussi asséché pour le XV de France

Par Frédéric Bonnet

Aux postes clefs de demi d’ouverture, de pilier droit et de troisième ligne centre, trop peu de joueurs éligibles au XV de France sont titulaires dans leur club. A ces postes, et dans une moindre mesure aux postes de deuxième ligne, de trois quarts ailes ou trois quarts centres, le réservoir de joueurs du Top 14 est dramatiquement asséché. Logiquement, les résultats du XV de France s’en ressentent.

Préambule 

Le jeu de Rugby s’est toujours enorgueilli d’accueillir tous les gabarits, toutes les différences, et entre autre toutes les nationalités de joueurs. Dès sa création, le XV de France était composé de joueurs de toutes nationalités, des anglais aux américains en passant par des gallois. Etre éligible au XV de France, ce n’est donc pas forcément être français et c’est une des valeurs cardinales indépassables du rugby.

L’arrivée du professionnalisme a toutefois profondément modifié la donne en introduisant une véritable marchandisation des joueurs. Le championnat français étant avec le championnat japonais et dans une moindre mesure anglais, le plus riche du monde, un véritable marché de rugbymen mondial, totalement dérégulé, s’est installé. Les clubs professionnels recrutent des stars chez les meilleures nations du monde ovale (Nouvelle Zélande, Australie, Afrique du sud, dans une moindre mesure Argentine). Etre acheté par le Top 14 est une assurance retraite très rémunératrice pour nombre de joueurs qui n’ont d’autres formation que le rugby.

Mais plus dévastateur, les clubs français vont aussi piller nombre de joueurs de nations dites émergentes ou mineures, car beaucoup moins riches. Des joueurs que certains clubs sous payent, voire traitent avec un certain mépris. Comment ne pas comprendre ces joueurs qui fuient leurs pays pour des raisons économiques, pour sortir de la misère ?

Le résultat est entre autre :

– un appauvrissement de certaines nations

– et la mise au banc par les clubs professionnels (au sens propre comme au sens figuré) de la plupart des joueurs éligibles au XV de France. Des joueurs que la législation française oblige pourtant à former dans de centres de formation des clubs professionnels. Des joueurs que la LNR, via ses clubs, engage, qu’elle paye souvent très cher, mais qu’elle ne fait finalement pas assez jouer.

Un écosystème du rugby français centré sur le Top 14

Le Top 14, championnat de France privatisé par la Ligue nationale de rugby (LNR) pour le compte de Canal plus, chaine de télévision privée, est devenu un spectacle. Il représente le centre névralgique de l’ensemble du rugby français. Même si la LNR est toujours supposée être soumise hiérarchiquement à la FFR, sa puissance financière lui donne une assise et une indépendance bien supérieures à celle de la FFR.

Sur l’ensemble de la saison 2018-2019, plus de 600 joueurs ont joué plus d’un match de Top 14. Moins d’un tier n’étaient pas éligibles au XV de France (209, soit 32,5 %). Un nombre en régression par rapport à la saison 2014-2015 par exemple (234, soit 36,3%). De prime à bord, ces statistiques semblent montrer que les réformes annoncées par la LNR pour augmenter le temps de jeu des joueurs issus de la formation française (JIFF) porte ses fruits.

A priori donc , le réservoir de joueurs évoluants en Top 14 et susceptibles de postuler au XV de France devrait être suffisant pour remettre les bleus au sommet de la hiérarchie mondiale. Ceci d’autant plus que la formation française a prouvé depuis deux années de suite qu’elle tutoie les sommets. L’équipe de France des moins de 20 ans n’est-elle pas double championne du monde 2018-2019 ?

Sauf que les chiffres sont trompeurs. D’une part parce que les jeunes joueurs espoirs, fussent-ils champions du monde, jouent trop peu en Top 14, en tout cas beaucoup moins que leurs homologues français du football par exemple (six fois moins de temps de jeu la saison précédente (379 minutes et 7 matchs en moyenne en rugby contre 2361 minutes et 31,8 matchs en moyenne en foot).

D’autre part, parce qu’à certains postes névralgiques d’une équipe de rugby, les joueurs éligibles au XV de France ne sont que rarement titulaires. Les paroles du sélectionneur du XV de France Jacques Brunel prennent tout leur sens : « Peu de joueurs français sont titulaires en club. Le seul qui joue régulièrement à l’ouverture, c’est Lopez. »

Le cas des demis d’ouverture

Le cas des demis d’ouverture n’est pas un cas à part, mais il est emblématique. Pour préparer la prochaine coupe du monde de rugby 2019 au Japon, le sélectionneur du XV de France n’a pris qu’un seul ouvreur titulaire en club : Camille Lopez (28 titularisations). On ne peut pas dire que les autres sélectionnés soient des spécialistes du poste : Thomas Ramos n’a été titulaire à ce poste que 7 fois, Romain Ntamack idem, Antoine Dupont 3 fois et Baptiste Serin 2 fois. Anthony Belleau l’a été 18 fois, mais il est réserviste. Quant à Johnathan Wisniewski (20 titularisations avec le LOU) et Frank Pourteau (17 titularisations avec Grenoble) ils n’ont pas été retenus. Cette saison, les titulaires en club au poste d’ouvreur ont été majoritairement recrutés dans les championnats étrangers : Holmes (Toulouse-Australie), Russell (Racing-Ecosse), West (La Rochelle-Nouvelle Zélande), Cruden (Montpellier-Nouvelle Zélande), Urdapilleta (Castres-Argentine), Steyn (Stade Français-Afrique du Sud), James (UBB-Australie), Slade (Pau-Nouvelle Zélande), McIntyre (Agen-Australie), Jackson (USAP-Irlande).

Quand on sait l’importance cruciale du numéro 10 dans la conduite du jeu de son équipe, on comprend mieux le retard pris par le XV de France par rapport à ses rivaux. Le pire est que d’autres postes, ceux là même que l’on peut considérer comme l’épine dorsale d’une équipe de rugby, sont en souffrance. 

Les piliers droits

Véritable pierre angulaire de la mêlée, le poste de pilier droit est tout autant trusté par des joueurs recrutés à l’étranger : Kubriashvili (Grenoble-Géorgie), Chilachava (MHR-Géorgie), Zirakashvili (ASM-Géorgie), Ryan (Agen-Irlande), Adriaanse (Pau-Afrique du Sud), Cobilas (UBB-Moldavie), Alo-Emile (St Français-Nouvelle Zélande), Tameifuna (Racing-Nouvelle Zélande), Faumuina (Toulouse-Nouvelle Zélande) et Gomez Kodela (LOU-Argentine).

Seuls quatre joueurs éligibles au XV de France étatient titulaires dans leur club : Boutemani (USAP), Setiano (Toulon), Atonio (La Rochelle) et Kotze (Castres). Pour la coupe du monde, Jacques Brunel a sélectionné l’expériementé Slimani et la révélation toulonnaise, Sétiano, mais il a aussi retenu l’ex champion du monde des moins de 20 ans Bamba, qui joue en Pro D2.

Les troisièmes lignes centres

La troisième poste en souffrance n’est autre que celui de troisième ligne centre. Un poste réservé aux joueurs puissants et mobiles, gares de triage du pack et perforateurs des défenses ennemies. Les meilleurs spécialistes du monde ont trouvé leur place en Top 14, reléguant souvent les 8 qui jouent pour le XV de France à l’aile de la troisième ligne dans leur club. C’est le cas par exemple pour Alldritt à La Rochelle ou Cros à Toulouse supplantés selon les matchs par Vito ou Kaino, deux ex All-blacks. Picamoles quant à lui a joué moins de matchs avec le MHR que Du Plessis (Afrique du sud). A Toulon Lakafia a tenu la dragée haute à un autre All black, Messam, mais il n’a pas été retenu par le sélectionneur, tout comme Tanga Mangene (Agen), Godener (Grenoble),  Goujon (LOU) ou Claassen (Racing). A l’ASM, Lee (Nouvelle Zélande) était un titulaire indiscutable, tout comme Tulou (Samoa) à Castres, Alberts (Afrique du sud) au Stade français, Amosa (Nouvelle Zélande) à l’UBB, Butler (Irlande) à Pau et Pelepele Lemalu (Nouvelle Zélande) à l’USAP.

Les autres postes

Le rugby français ne manque pas de talents titulaires en Top 14 aux postes de talonneurs, de troisièmes lignes ailes, de demis de mêlées, d’arrières, voire de piliers gauches. Mais, la proportion de deuxièmes lignes, d’ailiers ou de centres se rapproche de la zone critique. 

Perspectives pour la coupe du monde 2019

Il est évident que la sélection française part avec un net désavantage face à des nations qui misent avant tout sur leur sélection nationale. Dès le premier tour, les bleus vont affronter des anglais dont la fédération rivalise encore avec la puissance de ses clubs (grace aux rentrées d’argent de son stade Twickenham, dont elle est propriétaire) et des argentins dont la franchise (qui regroupe à elle seule 90 % d’internationaux) est parvenue en finale du Super rugby.

Dans les conditions actuelles et tant que l’écosystème du rugby français sera centré sur le Top 14, ce serait un exploit que les bleus accèdent aux phases finales.

Car ne rien changer au modèle rugbystique français, c’est ne rien changer aux résultats calamiteux du XV de France.

 

Tableau de la proportion de joueurs éligibles au XV de France par poste (saison 2018-2019)

Postes Joueurs éligibles au XV de France Joueurs non éligibles au XV de France
Pilier gauche 64,3 % (9/14) 35,7 % (5/14)
Talonneur 78,5 % (11/14) 21,5 % (3/14)
Pilier droit  28,5 % (4/14) 71,5 % (10/14)
Seconde ligne 53,6 % (15/28) 46,4 % (13/28)
Trosième ligne aile  75 % (21/28) 25 % (7/28)
Troisième ligne centre  35,7 % (5/14) 64,3 % (9/14)
Demi de mêlée 78,5 % (11/14) 21,5 % (3/14)
Demi d’ouverture 28,5 % (4/14) 71,5 % (10/14)
Centres 50 % ((14/28) 50 % (14/28)
Ailiers 57 % (16/28) 43 % (12/28)
Arrières 71,5 % (10/14) 28,5 % (4/14)
  57,1 % (120/210) 42,9 % (90/210)

Tableau de la proportion de joueurs éligibles au XV de France par club (saison 2018-2019)

Clubs Joueurs éligibles au XV de France Joueurs non éligibles au XV de France
La Rochelle  86,6 % (13/15) 14,4 % (2/15)
LOU 73,3 % (11/15) 26,7 % (4/15)
Castres 73,3 % (11/15) 26,7 % (4/15)
Toulouse
66,6 % (10/15) 34,4 % (5/15)
USAP 66,6 % (10/15) 33,4 % (5/15)
Racing 60 % (9/15) 40 % (6/15)
Stade Français 53,3 % (8/15) 46,7 % (7/15)
Toulon 53,3 % (8/15) 46,7 % (7/15)
UBB 53,3 % (8/15) 46,7 % (7/15)
Agen 53,3 % (8/15) 46,7 % (7/15)
Pau 46,7 % (7/15) 53,3 % (8/15)
ASM 40 % (6/15) 60 (9/15)
Grenoble 40 % (6/15) 60 (9/15)
Montpellier 33,4 % (5/15) 66,6 % (10/15)

 

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