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Evolution du gabarit des joueurs de rugby en 6 périodes : 1967, 1978, 1990, 1997, 2001, 2015 et 2021

Par Frédéric Bonnet

Comme le rappelait récemment Andy Goode, jeune retraité du rugby anglais, le rugby pro produit une quantité impressionnante de bodybuilders. Dès qu’ils ont un jour de repos, ceux qu’il appelle « les singes de la salle de muscu » vont soulever des haltères. Ils pensent à leurs muscles avant de penser à leurs skills, continue-t-il. La charge est lourde. Mais quel citoyen lambda peut-il désormais s’identifier à un joueur de rugby professionnel ?

De fait, les gabarits des joueurs de rugby ont explosé depuis que le rugby est devenu professionnel. Certes, on observe une légère tendance à la déflation des gabarits depuis deux ou trois ans, mais elle concerne essentiellement les demis de mêlée, voire certains ailiers. Ainsi, on ne trouve que 9 joueurs de moins de 170 cm (contre 3 en 2015) et 23 de moins de 175 cm. Les frères Lebail (168 cm), Rouet (167 cm), Retières, Lacroix, Delord ou Iribaren (170 cm) sont toujours une belle exception. Tout comme Kolbe, Gimbert ou Arata (171 cm), Cordin, Paillaugue (172 cm) ou Dupont, Bales, Machenaud, N’Gandebe, Hall, Bézy, Muscarditz ou Doussain (174 cm).

Adolphe Quetelet a inventé ce calcul (IMC) en 1832 en cherchant à définir le poids et la taille de l’homme « moyen ». Sa formule est simple : poids (kg) / taille au carré (cm). Cet indice est utilisé couramment par les médecins pour déterminer si une personne est en surpoids, voire obèse. Appliqué aux sportifs en général et aux rugbymen en particulier, il permet de quantifier la masse musculaire des joueurs (les muscles pesant plus lourd que la graisse, il n’est donc plus question de surpoids). Bien entendu, l’IMC ne peut pas quantifier les progrès fait depuis 40 ans en terme de rapport force/vitesse.

Dans cette course à l’armement, on a donc aujourd’hui affaire à des sportifs de plus en plus costauds. L’IMC augmente dans toutes les disciplines qui engagent une grande puissance inertielle, mais aussi dans les sports collectifs comme le rugby.

Les joueurs de rugby modernes dépassent désormais dangereusement les normes de développement idéal d’un être humain normal établies en 2004 par le chercheur R. Fogel. C’était déjà le cas en 1978, beaucoup moins en 1967, mais dans des proportions bien moindre qu’en 2015 ou 2021.

Zones de développement idéal ZDI (taille/poids) dans la population générale

source R Fogel The struggle against Hunger and premature Death, 2004 

  • 195 cm : entre 80 kg et 95 kg (voire 94,5 kg pour avoir un IMC inférieur à 24,9)
  • 190 cm : entre 76 kg et 85 kg (voire 89,5 kg pour avoir un IMC inférieur à 24,9)
  • 185 cm : entre 70 kg et 78 kg (voire 85 kg pour avoir un IMC inférieur à 24,9)
  • 180 cm : entre 65 kg et 75 kg (voire 80,5 kg pour avoir un IMC inférieur à 24,9)
  • 175 cm : entre 60 kg et 70 kg (voire 76 kg pour avoir un IMC inférieur à 24,9)

Evolution des gabarits des joueurs de rugby de 1967 à 202&

La lente et progressive transformation du corps des athlètes amateurs ou semi-amateurs des années pré 1995 en bodybuilders, dont la pratique du rugby est devenue un métier, a une seule et unique cause : l’arrivée du professionnalisme et son corollaire la financiarisation du jeu de Rugby.

Que ce soient par ses méthodes de préparation physique, sa médicalisation de la performance, qui peut aller jusqu’au dopage ou à la généralisation de conduites dopantes (prise massive de compléments alimentaires et de médicaments anti-douleur opiacés ou non), son recrutement ciblé des pratiquants les plus grands et les plus costauds et enfin l’achat massif de joueurs étrangers (amenant à la marchandisation des joueurs), le monde du rugby professionnel géré par la LNR n’a de cesse de modifier les corps des joueurs qu’elle emploie, use, martyrise, puis licencie.

L’évolution des gabarits des joueurs s’est faite en deux temps.

Première évolution

De 1967 à 1978, le rugby hexagonal est passé d’un modèle économique ASSL (adhérents, spectateurs, subventions locales) qui

  • prônait un jeu de Rugby éducatif et moral,

  • dans lequel il y avait peu d’enjeux économiques, le rayonnement des clubs étant avant tout local ou régional, et éventuellement national pour les clubs phares.
  • pour lequel la couverture média était peu développée. Seuls le midi olympique et la presse locale couvraient les évènements rugbystiques.
  • et enfin au sein duquel le budget des associations qui géraient les clubs était de 40000 euros à 300000 euros selon les clubs.

Pour arriver à un modèle économique de type SSSL (spectateurs, les subventions, et les sponsors d’origine locale).

En quinze années, le budget moyen des clubs passe de 300000 euros à 2 millions d’euros. Les matchs de Rugby sont désormais relayés par les radios locales et nationales. Les phases finales commencent à être diffusées à la télévision. 

Même si les clubs étaient toujours juridiquement considérés comme des associations à but non lucratifs, ils étaient désormais dirigés par des chefs d’entreprise connaisseurs ou ex-joueurs de Rugby. Progressivement le Rugby se transforme en spectacle, les clubs les plus riches recrutent des joueurs partout en France (Ovalie). C’est une période de transition entre le jeu de Rugby et le rugby marchand du XXIè siècle. 

Les évolutions les plus notables en terme de gabarits concernent :

  • les demis de mêlées qui gagnent 6 cm et 7 kg en moyenne,
  • les arrières qui prennent 5,5 kg tout en gardant leur taille moyenne,
  • les troisièmes lignes qui s’affinent en gagnant 5 cm et seulement 3,4 kg,
  • les piliers qui gagnent 6 kg pour la même taille et les talonneurs qui gagnent 9,5 kg et 3 cm
  • et surtout les deuxièmes lignes qui poussent de 7 cm et prennent 6 kg.

Plus fort, c’est d’abord plus grand. En 11 années, le nombre d’arrières qui mesurent 170 cm ou moins diminue de moitié pour quasiment disparaitre dès 1997. Le nombre d’avants qui mesurent plus de 190 cm fait plus que doubler pour ne cesser de croitre d’années en années.

Toutefois, de 1967 à en gros la fin des années 80, voire 90, le rugby correspondait encore à l’équipe idéale décrite par l’écrivain Jean Giroudoux. Celle composée de 15 joueurs si disparates :

  • 8 joueurs forts et actifs, petits ou grands les avants,
  • 2 joueurs légers et rusés, la charnière,
  • 4 joueurs rapides, les trois quarts,
  • et enfin un dernier modèle de flegme et de sang froid.

Ainsi, les deux joueurs et héros qui symbolisent le mieux le rugby des années 70 et le mythique grand chelem 1977, Jean Pierre Rives (180 cm, 84 kg) et Jacques Fouroux (162 cm, 64 kg) avaient-ils des gabarits proches du commun des mortels.

Ainsi faite, comme le dit Kleber Haendens, une équipe de rugby permettait de développer tout ce que la vie en société exige, à savoir le courage, la solidarité, l’intelligence et la force ; soit ce que l’on appelle désormais les « valeurs du rugby».

L’arrivée du professionnalisme en 1995 va progressivement et continuellemnt tout changer.

Deuxième évolution : l’arrivée du professionnalisme en 1995

La professionalisation du jeu de Rugby va obliger les clubs à créer une société sportive (Société Anonyme à Objet Sportif-SAOS, Entreprise Unipersonnelle à Responsabilité Limitée-EURL, Société Anonyme Sportive Professionnelle-SASP) pour gérer leur partie professionnelle. La plupart des clubs de Rugby et de football Pro, qui représentent 89 % du poids financier du sport pro, vont choisir de s’organiser en SASP. Cette forme de société sportive permet aux nouveaux présidents de clubs, pour la plupart PDG-hommes d’affaires, d’en devenir propriétaires tout puissant et de rendre minoritaires les parts de l’association sportive.

Ainsi, Toulouse est le seul club du Top 14 dont l’association contrôle 50 % du capital. Tous les autres sont rapidement passées d’une SAOS à une SASP en accueillant de nouveaux PDG : le groupe du CAC 40 Penauille-Derichebourg à Brive, M Savare au Stade français, M. Boudjellal des éditions du Soleil à Toulon, M. Lorenzetti du groupe Foncia au Racing …Les deux partenariats historiques entre le groupe Michelin et l’ASM et entre les laboratoires pharmaceutiques Fabre et le CO s’expliquent par la domiciliation de leur siège social dans ces cités et le fait qu’ils y emploient des milliers d’habitants. Ils valorisent grâce au Rugby leur ancrage territorial.

Dès lors, le Rugby va quitter brutalement et précipitamment son modèle de financement classique (SSSL), pour adopter celui des grandes ligues de football pro européennes, le modèle dit SATI (sponsors, actionnaires, télévisions, international). 

La FFR va déléguer la gestion du rugby pro à une ligue nationale, la LNR, pour ne plus s’occuper que du Rugby amateur et des diverses équipes de France.

Le Rugby pro va mettre en valeur les fameuses valeurs du Rugby (qui en font toute sa singularité) pour vendre son sport à Canal plus et à des actionnaires de groupes mondiaux. Mais, cette même médiatisation va par ignorance et dans un second temps détruire ces valeurs les unes après les autres et entrainer une chute d’audience et d’affluence dans les stades. Le serpent ovale se mord la queue, une minorité d’acteurs du Rugby s’enrichit, les autres galèrent et s’épuisent à garder la flamme rugbystique.

Ce modèle SATI traduit les effets cumulés de la professionnalisme du rugby, de l’internationalisation de ses enjeux sportifs et de l’exposition télévisuelle. Les règles de gouvernance des clubs sont désormais définies par des actionnaires qui attendent logiquement un retour sur investissement (éventuels dividendes, mais surtout augmentation de la notoriété et des parts de marché pour leur société). La régulation des finances d’un club a désormais une dimension plus nationale, voire internationale, que locale. La proportion de joueurs provenant d’autres pays dans le championnat français symbolise bien cette internationalisation capitaliste.

Ce modèle SATI entraine le bouleversement des chiffres d’affaires des clubs sur deux points :

  • leur volume : il a été multiplié par 8 en entre 1995 et 2011 et continue à croitre chaque année.
  • leur structure : quand 90 % des ressources des clubs venait des spectateurs et des subventions publiques avant 1960, c’est désormais 65 % du budget des clubs qui provient des sponsors-actionnaires internationaux et des recettes TV (Canal plus). 

Dès lors, les gabarits des joueurs de rugby ne vont qu’augmenter.

Tableau I : IMC (indice de masse corporelle), taille et poids moyens par poste de 1967 à 2021 des meilleurs clubs de première division.

  1967 1978 1990 1997 2001 2015 2021
Arrière 23,3
174 cm
70,5 kg
24,8
174 cm
76 kg

24,3
178 cm
77 kg

24,7
179 cm
79 kg
25,5
180 cm
82 kg
26,3
184 cm
89 kg

26,5  183 cm 88,9 kg

Ailier 24,4
173 cm
73,5 kg
24,6
174 cm
75 kg
24,4
180 cm
79 kg
25
180 cm
81 kg
26
188 cm
92 kg
26,9
187 cm
94 kg
26,5  183 cm 88,9 kg
Centre 24,5
173 cm
73,3 kg
24,6
171 cm
72 kg
24,5
175 cm
75 kg
25
180 cm
81 kg
26,5
182 cm
87 kg
28,4
181 cm
93 kg
28,3  184 cm 96 kg
Demi
N° 10
24
172 cm
71,4 kg
24,5
175 cm
75 kg
24,9
177 cm
78 kg
25,1
183 cm
84 kg
25,9
180 cm
84 kg
26,2
182 cm
87 kg
26,4  180 cm 86 kg
Demi
de mêlée
23,6
169 cm
68 kg
24,5
175 cm
75 kg
24, 5
175 cm
75 kg
24,7
180 cm
80 kg
25,3
177 cm
80 kg
26,2
180
85 kg
25,9  175 cm 79,9 kg
Troisième
ligne
26,1
181 cm
85,6 kg
25,6
186 cm
89 kg
26,1
191 cm
95 kg
27
190 cm
98 kg
28, 2
192 cm
104 kg
29,1
191 cm
106 kg
29,1
191 cm
106 kg
Deuxième
ligne
27,1
187 cm
95 kg
26,7
194 cm
101 kg
27,6
195 cm
105 kg
28,6
196 cm
110kg
28,1
198 cm
110 kg
29,5
200 cm
118 kg
29,5
199 cm
117 kg
Pilier 28
178 cm
89 kg
29,6
178 cm
95 kg
30,7
182 cm
103 kg
32
186 cm
110 kg
33,2
187 cm
114 kg
34,8
190 cm
125,5 kg
35,03
184 cm
119 kg
Talonneur 25,5
172 cm
75 , 3 kg
27,5
175 cm
85 kg
28,7
177 cm
90 kg
30
178 cm
95 kg
30,9
178 cm
98 kg
32,5
180 cm
105 kg
32,3
181 cm
106 kg
Effectif
clubs
365 jrs
16
440 jrs
16
540 jrs
16
720 jrs
20
580 jrs
16
560 jrs
14
598 jrs
14

Ces gabarits des joueurs de rugby n’ont pas évolué de la même façon selon les postes. Toutefois, on assiste progressivement à une uniformisation globale des physiques des rugbymen. Il y a désormais les grands (plus de 180 cm), les très grands (plus de 190 cm), les immenses (les doubles mètres) et quelques « petits » (9 joueurs de moins 170 cm en 2021 contre 51 en 1967). De temps à autre un joueur se rapprochant de la taille du français moyen s’invite dans une équipe de Top 14. Mais, ils deviennent de plus en plus rares.

Les avants

  • Les premières et les deuxièmes lignes des packs ont bénéficié des progrès de la préparation physique bien avant l’arrivée du professionnalisme dès 1990. Leur gabarits n’ont cessé d’augmenter régulièrement avec le temps, malgré une stagnation du gabarit des deuxièmes lignes en 2001.

En plus de quarante ans, l’IMC des piliers a augmenté de + 5,5, leur taille de 6 cm et leur poids de 26 kg ! Celle des talonneurs de + 4,8, leur taille de 9 cm et leur poids de 21 kg.

En proportion, l’IMC des deuxièmes lignes a peu augmenté (+2,8), freinée par une augmentation de poids (+ 16 kg) plus faible que celle des premières lignes et une taille qui culmine à 2 mètres. 

  • Le gabarit des troisièmes lignes occupe une position charnière entre celui des avants et celui des arrières. Certes, il existe de grandes différences entre les gratteurs râblés, les sauteurs élancés et les perceurs de défenses lourds et massifs. Mais globalement, l’évolution de leur IMC a pris un peu de retard pour n’augmenter qu’à partir de 1997 (naissance du professionnalisme). Il faut dire que leur taille a augmenté plus vite que leur poids pour se stabiliser autour de 190 cm dès 1990, tandis que leur poids ne va cesser d’augmenter jusqu’en 2015. Comme les deuxièmes lignes, ils vont « prendre » 17 kg et 6 cm en quarante ans et leur IMC va presque rattraper celle du duo de l’attelage du pack (+3,5). Pour une taille identique à celle des autres troisièmes lignes (191 cm), les troisièmes lignes centre ont un poids bien supérieur (plus6,9 kg, 110,8 kg versus 103,9 kg), ce qui leur asure un accroit de puissance phénoménal.

Les lignes arrières

Les progrès de la préparation physique n’ont pas affecté les gabarits des lignes arrières avant 2001 (soit au moment où l’afflu de joueurs formés à l’étranger a débuté). De manière générale les tailles des lignes arrières ont eu tendance à rattraper celle des troisièmes lignes, voire des deuxièmes lignes.

L’augmentation régulière de leur poids était compensée jusqu’en 1997 par l’augmentation de leur taille. Mais après 2001, les tailles moyennes enfin stabilisées, les IMC explosent : +1,3 pour les No 10 et les N0 9, +1,5 pour les arrières, + 1,7 pour les ailiers, +3,7 pour les centres. 

En quarante ans, la taille des demis d’ouverture a augmenté de 5 cm (+10 kg), celle des demis de mêlées de 5 cm (+5 kg), celle des arrières de 10 cm (+13 kg) et celle des ailiers de 14 cm (+16 kg). Un gain de poids étonnant pour des ailiers, mais qui a été compensé par leur extraordinaire augmentation de taille. Ils représentent toutefois des armes redoutables pour finir des actions en bout de ligne sans qu’aucun décalage n’ait été construit.

Pour le même gain de poids (+24 kg), les trois quarts centre n’ont « poussé » que de 10 cm. D’où, l’explosion de leur IMC à +3,7. Des sortes d’acolytes des troisièmes lignes centres placés au milieu des lignes arrières.

Tableau II : Nombre de joueurs recrutés à l’étranger, nombre de joueurs de moins de 170 cm chez les arrières et de plus de 190 cm chez les avants.

  1967 1978 1990 1997 2001 2015 2021

joueurs recrutés

à l’étranger
0 2
(0,45%)
5
(0,9%)
19
(2,6%)
93
(16%)
234
(42%)

202 (31,7 %)


joueurs de moins de
170 cm chez les
arrières
51 24 14 4 3 3 9

joueurs de plus de
190 cm chez les
avants
16 44 97 123 122 165 154

Evolution des gabarits des joueurs, des causes multiples ?

Les mensurations moyennes des français et leur IMC ont évolué de 1967 à 2015. Mais, les gains de taille et de poids de la population générale sont sans commune mesure avec ceux des joueurs de rugby professionnels. De 1970 à 2007, la taille moyenne des hommes est passée de 170,1 cm à 175 cm et leur poids de 72,2 kg à 77,4 kg de 1970 à 2005.

L’augmentation du poids moyen des hommes français sur cette période s’explique en grande partie par l’augmentation de 1981 à 2016 de la proportion de personnes obèses (de 5,3 % à 15,6 %) ou en surpoids (30% à 41 %). Ce qui n’est pas le cas des joueurs de rugby, au contraire, la masse graisseuse tendant à disparaitre au profit de la masse musculaire.

Il est évident que le recrutement désormais massif de joueurs à l’étranger, et donc la possibilté étendue de pouvoir recruter des profils de joueurs aux mensurations généreuses, ainsi que le perfectionnement de la préparation physique des joueurs professionnels ont eu une influence signicative sur l’évolution des gabarits des joueurs de rugby.

Evolution des pratiques de la préparation physique

  • Pour améliorer la condition physique de ses joueurs, le monde du rugby ne fit appel aux professeurs d’EPS, souvent spécialistes d’athlétisme, que dans les années 70-80. Peu à peu les « tours de terrain mâtinés d’abdo-pompes » disparaissent. A cette époque, les clubs précurseurs, Béziers, Agen, Toulon, puis Toulouse s’entrainaient déjà 4 à 5 fois par semaine. Ce n’est pas un hasard s’ils dominaient alors le rugby français.
  • Dans les années 90 et progressivement avec l’arrivée du professionnalisme, tous les clubs emboitent leur pas. On parle de planification des efforts et de programmation de l’entrainement. Les premiers a bénéficier de cette évolution sont les avants au début des années 90. Leur IMC va progressivement exploser.
  • Aux profs de gym et aux entraineurs d’athlétisme se rajoutent des spécialistes de la musculation sportive (hélas aussi du culturisme), des préparateurs mentaux, des nutritionnistes, des spécialistes de la recup, des informaticiens ou divers rééducateurs. 
  • Peu à peu, les préparateurs physiques se spécialisent. On parle de musculation générale et spécifique par poste, de coordination-programmation, de spécialistes de l’exlosivité ou de l’agilité.
  • Cette musculation dite par poste donnera ses fruits particulièrement pour les trois quarts dans les années 2000. C’est à cette période que leur IMC commence à croitre fortement. On sait désormais faire du muscle et prendre du poids sans altérer la vitesse, la tonicité et la réactivité des joueurs.
  •  

L’arrivée massive de joueurs formés à l’étranger

Dans les années 70-90, le championnat français accueillit des joueurs globe trotteurs venant du monde entier : Barnebougle à Bayonne, Horton à Toulouse et Bourg en bresse, Heuer à Saint jean de luz, Mallett à Saint claude, Melville à Mont de marsan et au RCT, Colglough à Angoulème, Cotter à Lourdes, Fitzsimmons à Brive, Dawson au Racing, Britz à l’USAP, Dumitras à Pau, Cederwall et Hickey à la Rochelle, Loe au LOU ou Barnard à Bégles…

Des noms qui nous faisaient voyager et apportaient à leurs clubs une autre idée du rugby. A cette époque, le rugby avait encore conservé un de ses cinq piliers fondateurs (avec la solidarité, l’esprit combattif, le courage et le respect des règles et des autres) : l’amateurisme.

Rien à voir donc avec ce nouvel avatar du capitalisme qui consiste à recruter des stars du rugby international pour le top 14, afin de conquérir des titres et vendre les clubs aux télévisions, friandes de spectacle : le panem et circoncis de l’empereur Titus (du pain et des jeux) est toujours d’actualité.

Notre championnat est considéré comme offrant les plus hauts salaires du monde du rugby : Dan Carter 1 400 000 € par an, Matt Giteau 900 000 €, Halfpenny 750 000€, Habana 600 000, Parra 550 000€ ; contre 587 000 pour Manu Tuilagi ou 580 000€ pour Picamoles en Premiership. Ces sommes faramineuses sont trompeuses : il existe cachent une grande hétérogénéité des salaires et des contrats des rugbymen en Top 14.

Ces stars ne sont que l’arbre qui cache la forêt des centaines de rugbymen recrutés à l’étranger qui jouent en top 14 et en pro D2, championnats professionnels dépendants de la LNR, mais aussi en fédérale 1, championnat « amateur », dépendant de la FFR.

Il n’y est plus question de stars, mais de très bons, voire simplement bons joueurs formés à l’étrangers, mais présentant deux avantages par rapport aux joueurs formés en France : avoir plus d’expérience que nos jeunes joueurs espoirs et surtout être très bon marché et plus aisément corvéables à merci. Une sorte de colonisation à l’envers.

La Nouvelle zélande, l’Australie ou l’Afrique du sud ne nous cèdent que leurs joueurs en pré retraite (Carter par exemple) ou ceux qui n’ont pas le niveau du super rugby ou de leurs championnats nationaux respectifs.

Mais, les pays les plus pauvres, la Géorgie, la Roumanie, les Fidjis, le Tonga ou les Samoas, sont véritablement pillés et vidés de leurs forces vives. De jeunes joueurs sont déracinés et envoyés en France dans des conditions quelques fois rocambolesques et il faudrait d’ailleurs étudier leur conditions de vie en France (logements, accompagnement…).

Ces joueurs formés aux quatre coins du globe amènent leur talent et leurs différences culturelles : un bien inestimable confisqué à leur pays de naissance.

Ils augmentent mécaniquement  le réservoir de joueurs grands et costauds qui reste limité dans chaque pays. Ils emportent aussi pour certains dans leurs valises les pratiques dopantes utilisés dans certains pays de l’Est ou dans l’hémisphère Sud.

La législation Jiff inventée pour réguler le nombre de joueurs alignés chaque semaine dans les équipes du Top 14 semble porter ses fruits puisque le % de joueurs non formés en France est passé de 42 % en 2015 à 31,7 % en 2021. 

L’évolution des méthodes de dopage

Patrick Bacquaert, médecin en chef de l’IRBMS explique : « Avec un entraînement, il est possible de gagner 10 % à 15 % de muscle ». Au delà, on plafonne. Chacun est limité par sa génétique, qui lui confère une morphologie unique.

Quelle explication donner à une prise de masse supérieure ? Serait-il donc possible ou probable que la prise de substances dopantes, telles que les anabolisants et les stéroïdes qui, en favorisant la fixation des protéines, accentuent la prise de muscle, soit la seule explication recevable ? Nul ne peut l’affirmer. Du moins tant qu’un organisme indépendant des fédérations et des ligues professionnelles ne dirigera la lutte antidopage dans le rugby.

La professionnalisation du rugby entraine la professionnalisation des dopeurs, qui utilisent les techniques médicales, pharmaceutiques, voire expérimentales de pointe. Ils ont systématiquement un temps d’avance sur les organismes de lutte antidopage.

 La pharmacopée des produits dopants s’enrichie en permanence de précurseurs indétectables des principaux produits déjà connus : corticoïdes, érythropoiétine, anabolisants, hormone de croissance ou amphétamines. 

La connaissance de plus en plus poussée des neurotransmetteurs amènera tôt au tard à l’utilisation de substances qui amélioreront et accéléreront la gestion des informations par le cerveau

Jusqu’à présent le dopage que nous connaissions consistait à détourner des médicaments à usage humain ou vétérinaire de leur usage médical. Ce phénomène existe toujours, mais les entourages sportifs des joueurs et des équipes les plus riches utilisent désormais des substances pharmaceutiques en cours d’essai clinique, bien avant leur mise sur le marché. Certains laboratoires complices vont même jusqu’à créer des médicaments uniquement destinés à échapper au contrôle antidopage.

Ces substances sont relativement faciles à se procurer sur internet et l’on trouve même des conseils pour leur utilisation. Cette facilité d’accès à des produits dont la toxicité est soit avérée, soit encore mal connue, dont la qualité est douteuse et dont certains n’ont encore jamais été testés chez l’homme représente un véritable enjeu de santé publique. Cest le cas par exemple des nouveaux anabolisants : les modulateurs sélectifs des récepteurs aux androgènes ou SARMs.

Dans le domaine du dopage, les progrès sont infinis : la NBIC ou Nanotechnologie Biotechnologie Informatique et Cognitivisme est déjà d’actualité.

Les progrès scientifiques ont toujours été exploités par les sportifs les plus à la pointe du dopage. Dans l’autre sens ces mêmes sportifs sont de formidables cobayes plus ou moins consentants pour les scientifiques. 

Nous allons rapidement passer de l’homme « augmenté » à qui l’on ajoute des greffes et prothèses à l’homme « hybride » mi humain mi robot. Un sportif à qui on pourrait gonfler les muscles par manipulation génétique en lui greffant le gène de la myostatine, que l’on pourrait soigner en manipulant ses cellules souches pour traiter ses blessures cartilagineuses ou tendino-musculaires ou que l’on pourrait sélectionner en décodant son génome et en corrigeant dans un second temps ses déficiences génétiques. 

Malheureusement, ou heureusement (le corps comme signal d’alarme), la physiologie demeure un frein à l’hypertrophie musculaire. En effet, les tendons qui servent d’attache aux muscles sur le squelette ne peuvent supporter une activité musculaire supérieure à leur limite sans finir par céder à un moment ou à un autre. Il s’ensuit une traumatologie des joueurs de rugby qui ressemble de plus en plus à celle des bodybuilders au niveau du rachis cervical, dorsal, lombo-sacré (discopathies, névralgies, hernies discales), de l’épaule (tendinopathies chroniques), acromio-claviculaires, du genou, du tendon d’achille etc.

Pour le docteur Patrick Bacquaert, « c’est une escroquerie de croire que l’on peut prendre autant de muscle en soulevant de la fonte. On ne parvient pas à de tels résultats sans prendre de substances ayant des effets ravageurs pour la santé et de plus dopantes ».

4 Commentaires

  1. Excellent travail qui permet de mesurer la dimension inhumaine d’un professionnalisme orienté sur une concurrence exacerbée pour des objectifs de prestige-rentabilité étrangère, voire contraire, à une pratique sportive participant de la santé et des loisirs d’une population soumise à la rude pression des Présidents des clubs pros eux-mêmes sur le grill des résultats à tout prix.
    Une révolution sera nécessaire pour revenir à la santé des sportifs et des joueurs, car joueurs c’est pour jouer pas pour rentabiliser son corps dans la compétition antisportive des investisseurs…

  2. Content de te lire à nouveau !!! . Le jeu de Rugby depuis 1995 évolue en sport business/spectacle et de fait les performances des joueurs et leurs nationalités avec . La taille de la population mondiale a augmenté , tu le souligne justement de plus de 5 cm ce qui est beaucoup . Car sur 5 cm le joueur peut y placer pas mal de masse musculaire « honnête » et c’est donc là le changement déterminant , le physique du joueur !!! . Ensuite le règlement institutionnel doit s’adapter à ces changements de morphologie pour pouvoir préserver intact la philosophie du jeu de Rugby « avancer pour marquer en se faisant des passes en arrière  » . La diversité du jeu pratiquée comme le jeu aérien comme la touche nécessite des joueurs sauteurs et soutiens plus grands . La mêlée et le jeu direct sans évitement qui est pratiqué actuellement nécessite de la puissance d’où les Kilos musculaires supplémentaire . Tu l’as très bien souligné dans ton écrit : il ne s’agit plus nécessairement de créer un décalage numérique en bout de ligne pour marquer . Beaucoup d’équipe de haut niveau se contente d’une stratégie de jeu basique par choix , faite sur l’affrontement direct par le combat ( qui oblige le rapport de force musculaire ….! ) avec peu de passes donc peu de risque pris par l’équipe et donc peu de jeu de mouvement ou de décalage ….!!!! . Par chance nous avons une génération montante de quelques jeunes joueurs qui nous prouvent qu’il faut également en avoir dans le cerveau pour être un bon joueur et heureusement pour nous qui sommes spectateurs ……!

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