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Les raisons de la faiblesse de l’équipe de France de rugby

Par Frédéric Bonnet

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Cet article m’ a été inspiré par les interventions pertinentes de M Jean Pierre Elissalde à propos de l’équipe de France de rugby.

Analyse des raisons de la faiblesse actuelle de l’équipe de France de rugby. Tournoi des six nations très mitigé sous Guy Novès en 2016, Coupe du monde catastrophique en 2015 et quatre années calamiteuses sous Philippe St André, résultats poussifs sauvés par une finale de coupe du monde sous Marc Lièvremont… l’équipe de France de rugby n’est plus que l’ombre du quinze de France qui enthousiasmait auparavant le monde de l’Ovalie et la France toute entière une fois par an en hiver. 

La faute des sélectionneurs ?

Non.  

Trois entraîneurs aux profils très différents voires opposés ont défilé en 9 ans sans effet notable.

La faute au manque de temps de préparation, les joueurs francais appartenant à leurs employeurs, les présidents du top 14 ?

Oui et Non.

Contrairement aux autres pays du tournoi des six nations, les joueurs français ne sont pas mis à la disposition du sélectionneur français pendant la durée du tournoi. Ils naviguent de Marcoussis à leur club pendant un mois et demi. Certains même jouent pour leur club lors des fameux doublons, spécialité française.

Pour autant, l’équipe de France a disposé de deux mois d’entraînement et de préparation physique avant la coupe du monde, plus que les pays de l’hémisphère sud pour le résultat que l’on sait.

Certes, il existe une suprématie de fait des clubs sur leurs joueurs par rapport à la  FFR, mais elle n’explique pas tout.

La faute au déficit physique des joueurs francais ?  

Non.

Philippe St André avait sélectionné des joueurs surpuissants et misé sur une préparation physique très poussée pour rivaliser avec les nations les plus puissantes…La mode ces dernières années, était d’ailleurs en France, à la sélection de jeunes joueurs pour leur seul potentiel physique au détriment de leur qualités techniques ou de leur intelligence situationelle ou tactique.

J’ai montré précédemment (dans un article intitulé « L’évolution du gabarit des rugbymen jouant en première division de 1996 à 2016 ») à quel point le gabarit des joueurs français a évolué depuis 20 ans.

Il semble que sous la houlette de Didier Retiere la tendance aille plutôt à la détection de jeunes joueurs ayant des qualités exceptionnelles plus diverses (puissance, mental, intelligence et vision du jeu, évitement, jeu au pied…) , sorte de super pouvoir, associé à de la vitesse, qualité transversale à tous les postes du rugby?

La faute au top 14, championnat impitoyablement stressant, trop long, proposant trop de défi physique et pas assez de jeu durant sa longue période hivernale et recrutant trop de joueurs à l’étranger ?

Un top 14 trop stressant ? 

Oui.

Tous les ans, en France deux clubs descendent en pro d2 et dès la moitié du championnat une moitié des clubs vit dans la hantise de cette rétrogradation. Les joueurs ne prennent plus de risque, les entraîneurs sont de plus en plus frileux et les présidents sur les nerfs. Le Super rugby de l’hémisphère sud (qui comprend des clubs néozélandais, sud afriquains, australiens, un club nippon et un argentin) et la ligue celtique (qui comprend des équipes  galloises, irlandaises, écossaises et italiennes) sont des entités closes. Pas de pression négative, toutes les équipes sont tournées vers le jeu et les phases finales. L’Angleterre a choisi une solution médiane. Un seul club descend.  

Un top 14 trop long ?

Oui.

En phase régulière, un joueur du top 14 doit jouer 26 matchs, hors coupe d’Europe, tandis qu’un joueur du championnat anglais ou de la ligue celtique n’en jouera que 22. Dans le super rugby, le nombre de matchs descend à 17 ! Notre calendrier est trop surchargé. A titre d’exemple, pour ce tournoi des six nations 2016, Jules Plisson ne comptait que 2,5 matchs de plus que son homologue anglais Ford (203 mn de jeu en plus ), mais 4,1 matchs (331 mn) de plus que le gallois Biggar, 6,4 de plus que l’irlandais Sexton (512 mn) et 6,6 de plus que l’écossais Russell ( 532 mn). D’ailleurs tous ces joueurs avaient un temps de jeu en coupe d’Europe supérieur ou égal à leur championnat domestique. 

Année 2015-2016 :

Plisson : 970 mn en top 14 / 167 mn en coupe d’Europe.

Ford : 468 mn en premiership/ 466 mn en coupe d’Europe.

Biggar : 359 mn en ligue celtique / 447 mn en coupe d’Europe.

Sexton : 304 mn en ligue celtique / 321 mn en coupe d’Europe.

Russell : 214 mn en ligue celtique / 391 mn en coupe d’Europe. 

Le constat est le même si l’on compare le temps de jeu de Jules Plisson en top 14 l’année dernière avant la coupe du monde par rapport à celui de ses homologues de l’hémisphère sud. Et encore l’ouvreur du Stade français s’était blessé quelques semaines avant les phases finales du top 14.

Année 2014/2015 :

Plisson : 1471 mn

Foley (Australie) : 1360 mn, soit 111 mn de moins (1,1 matchs).

Carter (Nouvelle Zélande) : 985 mn, soit 486 mn de moins (6 matchs).

Plollard (Afrique du sud) : 949 mn, soit 522 mn ( (6,5 matchs).

Un championnat trop hivernal ?

Oui par rapport à l’hémisphère sud, bien qu’en Nouvelle Zélande la pluie soit tout de même présente une partie du championnat et non  par rapport aux équipes du tournoi des six nations.

Le super rugby se joue en période estivale, plus propice au développement du beau jeu. Mais, qui peut soutenir que l’hiver est plus clément chez les anglo-saxons qu’en France.

Un championnat possédant trop de joueurs recrutés à l’étranger ?

Oui, par rapport au super rugby et à la ligue celtique. mais non par rapport au championnat anglais.

Nombre de joueurs étrangers moyens par équipe dans les différents championnats en 2015-2016

1 Premier ship en Angleterre : 20, 3 par équipe.

2 Top 14 en France : 16,7 par equipe. 

3 Écosse en ligue celtique : 13 par équipe.

4 Pays de Galles et Italie en ligue celtique : 11 par équipe.

6 Irlande en ligue celtique : 7,7 par équipe.

7 Japon : 7 par équipe.

8 Australie en Super rugby : 5,2 par équipe.

9 Nouvelle Zélande en Super rugby : 3,2 par équipe. 

10 Afrique du Sud en Super rugby : 0,6 par équipe. 

Les chiffres sont éloquents :

Quelles sont les équipes qui tiennent le haut du pavé dans le rugby mondial ? Celles de l’hémisphère sud.

Quelle est la nation révélation de la dernière coupe du monde, qui possède un championnat de rugby qui rivalise avec le top 14 dans le recrutement des stars de l’hémisphère sud, en qualité, mais pas en quantité ?

Le Japon.

Quelles sont les deux dernières nations à avoir gagné le tournoi des six nations : l’Irlande et le Pays de Galles

Finalement, on trouve plus de points communs que de différences entre le quinze de la rose et celui du coq. Parions d’ailleurs que cette année le coq rivalise, voire l’emporte contre la rose dans ce terrible dernier match du tournoi des six nations 2016. L’équipe de Guy Noves est en reconstruction contrairement à celle d’Eddie Jones qui s’appuie sur une génération de joueurs qui jouent ensemble depuis fort longtemps. Mais le plaisir de priver ses rivaux préférés du grand chelem pourrait être une raison suffisante pour l’emporter. 

Conséquence directe en France ?

Les joueurs espoirs formés en France n’ont quasiment plus de place en top 14. Ils stagnent dans le championnat espoir, au niveau de jeu très hétérogène, sans avoir la chance de se confronter à leurs aînés. Le formidable vivier de joueurs français doit se battre pour exister et il y a peu d’élus. Faute de se confronter aux meilleurs, le niveau technique de nos jeunes joueurs a tendance à baisser. C’est finalement une bombe à retardement, qui avait été amorcée avec l’arrivée du professionnalisme, de la surmédiatisation télévisuelle et de la bulle financière dans le rugby francais, et qui explose depuis une dizaine d’année et continuera encore tant qu’aucune mesure ne sera prise. 

La toute puissance et la rudesse du top 14, le despotisme de certains présidents de clubs français et le confinement sur la bande d’arrêt d’urgence de l’autoroute du rugby professionnel de la plupart des joueurs français au profit de joueurs recrutés en masse à l’étranger portent un coup fatal à l’équipe de France. Quelles mesures pourrait-on prendre pour enrayer la spirale de la défaite ?

Modifier le salary cap pour diminuer drastiquement la masse salariale des clubs ?

Obliger les clubs à recruter dans leur centre de formation en cas de blessure?

Obliger chaque club à mettre 10 jiffs issus réellement de la formation française titulaires sur chaque feuille de match ? 

Diminuer le pouvoir de la LNR au profit de la FFR ?

Proposer des contrats FFR aux joueurs sélectionnés en équipe de France ?

Créer une sorte de Super rugby européen, sorte de Super Europa rugby (5 équipes en France, 5 en Angleterre, 4 en Irlande, 4 au Pays de Galles, 2 en Écosse, 2 en Italie, 1 en Espagne … ) un peu partout en Europe? Chaque pays garderait une compétition domestique et la France son précieux Brennus. ? Bref, faire comme l’hémisphère sud. 

Le prochain président de la FFR ne devra pas prendre des mesurettes si l’on veut que les choses changent. Mais les princes et rois qui dirigent actuellement le royaume de l’Ovalie, ceux qui en tirent toujours plus de profit, ceux qui s’appuient sur des spectateurs ignares des valeurs fondatrices du rugby et qui demandent toujours plus de spectacle et de vitesse, ceux qui au cyclisme voudraient 20 étapes de cols hors catégorie, le permettront-ils? Certainement pas.

Alors de deux choses l’une : soit on attend que le système financier du top 14 s’effondre de lui même dans une sorte de crise monétaire salutaire et on s’émerveille des talents des All blacks en attendant ; soit les acteurs réels du rugby, entraîneurs, joueurs, parents et/où passionnés obligent les dirigeants de la FFR et de la LNR à redonner au rugby sa vraie dimension culturelle et émancipatrice des jeunes et des moins jeunes. Et l’équipe de France de rugby retrouvera son rang. Mais au fait, il ne faut pas regarder bien loin pour trouver une équipe de France qui gagne : l’équipe de France de rugby féminin. La femme est l’avenir de l’homme y compris au rugby.

 

 

 

7 Commentaires

  1. Tu as balayé toutes les causes de manière très juste pour montrer que c’est une collision de décisions qui nous a amené à cette situation.

    Concernant les solutions possibles, il faudrait peut être les hiérarchiser en indiquant à chaque fois qui sont les décideurs (world rugby, européen Cup, lnr ou FFR) qui peuvent faire avancer le système positivement !!!

    En tout les cas encore une bonne contribution !

    1. Finalement comme en politique le problème vient de ses différents décideurs de part le monde qui semblent toujours se renvoyer la balle. En regardant le film, Demain, je me suis rendu compte que de l’autre côté de la barrière il y a des milliers d’initiative dans tous les domaines contre l’oppression capitaliste. Il ne manque plus qu’à les fédérer. C’est pareil au rugby.

  2. Tout a fait en adhésion avec tes commentaires, nous sommes faibles techniquement ….il faut remettre le point a la base fortement …. Et se coller a l harmonie du championnat de l hémisphère sud ….et percuter sans perdre le ballon grrrrr , bref il faut se mettre au boulo vite vite ! Nous on le sentait bien …depuis l aire Laporte …..

  3. Juste une petite correction. Le Super Rugby se joue de fin Février à début Août. Soit pendant l’automne et l’hiver de l’hémisphère sud, et non en période estivale. C’est vrai qu’à Brisbane ou Perth, le temps est toujours assez clément, mais ce n’est pas le cas à Melbourne, Capetown ou pire en Nouvelle Zélande ou les hivers sont rigoureux et les intersaisons particulièrement humides.

  4. Pourquoi pas:
    Fin de saison, une seule équipe de Pro D2 monte en TOP14. Deux équipes de TOP14 descendent en PRO D2.
    L’équipe manquante de TOP14 est remplacée par une équipe de joueurs sous contrat FFR, des jeunes moins de 21 ans, qui essuient les bancs des clubs.
    Cette équipe ne serait pas assujettie au système de relégation et donc n’aurait pas le stress de l’échec.
    Ainsi ces jeunes seraient confrontés, chaque week-end, au haut niveau.
    Cette équipe serait entrainée par le staff des U20 et du XV de France, ce qui permettrait de créer, tester, développer un système de jeu.
    L’équipe de France pourrait puiser dans cette équipe, ainsi que dans les clubs pour les tests, 6 Nations, RWC…
    Cette équipe serait basée à Marcoussis, mais pourrait jouer ces matchs dans différents stades: Lille, Strasbourg, Rennes, LeHavre…des villes qui n’ont pas l’habitude de voir du rugby de haut niveau et où le rugby mérite d’être promu.
    Les joueurs de cette équipe pourraient être recrutés, chaque année, par les clubs (Français ou Anglais) sur un système de draft comme en NBA ou NFL. Et ainsi laisser leur place à d’autres jeunes.
    Enfin, parallèlement, on pourrait limiter le nombre d’étrangers dans le clubs, voire 0% en Fédérale, 10% PROD2, 20% TOP14. Et aussi proposer des contrats FFR partiels aux joueurs sélectionnés en EDF.

  5. Au Japon que des matchs allers. Saison courte, puis pour les élus, Super Rugby et sélection nationales. pas plus. Ils ont du temps pour travailler et progresser, mais partent de plus loin même si techniquement je les trouve bon.
    Eux leur souci est le manque de joueurs (notamment à certains postes), l’hétérogénéité de la Top League et des ligues universitaires (les jeunes ne jouent que peu de matchs « intéressants » à haute intensité), et la formation rugbystique (zéro moyen pour les amateurs, sport mineur là-bas).
    Leur limite est à la fois sur les étrangers et les asiatiques (quota différent), dont une limite sur la feuille de matchs. D’ailleurs le chiffre de 7 étrangers me parait très bas : rien que chez Panasonic, 9 avants de l’effectif sont étrangers (hors asie).

    Pour la France, si aucune obligation n’est imposée aux clubs sur le nombre de JIFF sur le terrain ou comme Joker médical, on ne s’en sortira pas. Mais je ne pense pas qu’il existe une volonté politique. Dommage on un TOP14 ennuyeux en général, peu de jeu, beaucoup de confrontations.

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