Par Frédéric Bonnet
Sur une idée de Jean Pierre Elissalde.
Tous les deux ans, une nouvelle génération de joueurs de moins de 20 ans, accède à l’élite du rugby français. Elle est rassemblée dans l’équipe de France des moins de 20 ans et participe à des compétitions internationales (coupe du monde et tournoi des six nations). Ce parcours d’excellence assure-t-il encore la réussite dans le rugby pro ? En d’autre terme, cette jeune équipe de France joue-t-telle encore son rôle « d’ascenseur social rugbystique » ? La détection des perles du rugby français est-elle efficace ?
Avant l’avènement du professionnalisme dans le rugby en 1996, les clubs avaient intérêt à former des jeunes rugbymen pour alimenter leur équipe première. Les juniors étaient rapidement confrontés aux séniors et pouvaient mettre en pratique l’enseignement prodigué par les éducateurs de leur école de rugby.
L’arrivée massif d’argent dans les clubs a amené avec elle la notion de rentabilité. Les présidents bénévoles des clubs sont devenus des chefs d’entreprise du CAC 40. Par soucis d’efficacité à court terme, ils ont délaissé les jeunes formés dans leurs écoles de rugby, préférant miser sur des joueurs recrutés à l’étranger. La stratégie des clubs est double : attirer des stars de l’hémisphère Sud pour attirer les foules dans les stades (Carter, Nonu, Madigan, Vito…) et utiliser une masse de joueurs formés à l’étranger représentant un rapport coût/efficacité supérieur aux jeunes espoirs français.
Ce sacrifice de toute une génération, à qui l’on fait miroiter les délices du professionnalisme, est scandaleux. Il est aussi délétère à plus long terme pour le niveau de jeu de l’équipe de France. Le fait de côtoyer des stars à l’entraînement ne compensera jamais l’épuisement des réserves de jeunes rugbymen français.
Pour lutter contre ce phénomène, la FFR a décidé de développer des compétitions nationales, dites espoirs, de créer un pôle France pour les meilleurs joueurs français de 18 à 20 ans à Marcoussis et de monter des équipes nationales des moins de 23 ans, moins de 20 ans, jusqu’aux moins de 16 ans.
Petite histoire des jeunes internationaux français de moins de 21 ou 20 ans en France
Saison 1996-97 : moins de 21 ans
Joueurs | Clubs en 1996 | Equipe de France sénior |
Nadau | PUC puis ASM | |
Lombard | Racing | OUI |
Bory | ASM | |
Lajus | Racing | |
Mazille | Grenoble | |
Roques | Colomiers | |
Thomas | Auch | |
Bruzy | USAP | |
Sudre | Agen | |
Lazerges | Castres | |
Pargade | Bègles | |
Jéchoux | Racing | |
Gabin | ASM | |
Lièvremont | Argeles puis USAP | OUI |
Bonnet | Lourdes | |
Barrier | ASM | |
Cadic | Grenoble | |
Bégarie | Toulouse | |
Audu | Toulouse | |
Milloud | Bourgoin | OUI |
Duhart | Lourdes | |
Vigneau | Castres |
Une majorité des joueurs sélectionnés chez les moins de 20 ans (18 sur 22, soit 81 %) jouait ou jouera ensuite en première division, appelée groupe A1.
Toutefois, seuls trois d’entre eux auront par la suite une carrière internationale sénior.
Saison 2001-2002 : moins de 21 ans
Joueurs | Clubs en 2001 | Equipe de France sénior |
Rosalen | Narbonne | |
Poulain | S Français | OUI |
Vermis | Bègles | |
Bousses | Toulouse | |
Coux | Bourgoin | |
Peyrelongue | Biarritz | |
Jahouer | Auch | |
Yachvili | Brive | OUI |
Michalak | Toulouse | OUI |
Harinordoquy | Pau | OUI |
Dusautoir | Bègles | OUI |
Azoulay | Périgueux | |
Rabadan | S Français | |
Lamboley | Toulouse | |
Sierra | Dax | |
Pettigiani | Lourdes | |
Mas | USAP | OUI |
Larrouy | Pau | |
Cheron | Toulon | |
Sipielski | ASM | |
Testa | S Français | |
Campo | Auch |
Cinq ans après,une très grande majorité des joueurs (22 sur 23, soit 95 %) jouait ou jouera en première division (Auch, Toulon, Brive et Périlleux sont en Pro D2, Lourdes en Fédérale).
Six d’entre eux auront par la suite une carrière internationale sénior.
Saison 2005-2006 : moins de 21 ans
Joueurs | Clubs en 2005 | Equipe de France sénior |
Dambielle | Biarritz | |
Thierry | Bayonne | |
Lacroix T | Biarritz | |
Mirande | Agen | |
Figueiredo | Montauban | |
Peyras Loustelet | Pau | |
Denos | Toulouse | |
Roux | ASM | |
Lespinas | Brive | |
Ruiz | USAP | |
Cibray | Pau | |
Tomas | MHR | |
Tillous Borde | Biarritz | OUI |
Campeggia | Bourgoin | |
Chouly | Brive | OUI |
Alexandre | Grenoble | |
Baget | Biarritz | |
Gambetta | Lyon | |
Diotallevi | Bourgoin | |
Jacquet | ASM | |
Drodz | Brive | |
Fèvre | Agen | |
Bastin | ASM | |
Montes | S Français | |
Lafond | Montauban | |
Kayser | S Français | OUI |
Montagnat | Bourgoin | |
Badel | ASM |
Cette année là aussi la plupart des sélectionnés ont eu une carrière en première division (24 sur 27, soit 89 %).
Mais, seuls trois d’entre eux auront une carrière internationale sénior, comme en 1996.
Coupe du monde en 2012 : moins de 20 ans
Joueurs | Clubs en 2012 | Equipe de France sénior |
Artru | MHR puis USAP | |
Danty | S Français | OUI |
Domvo | UBB | |
Fickou (surclassé car né en 1994) | RCT puis Toulouse | |
Fuster | Bayonne | |
Laugel (surclassé car né en 1993) | Racing puis rugby à 7 | OUI mais à 7 |
Martin | RCT puis Oyonnax et MHR | |
Otazo | Bayonne puis Mt de Marsan | |
Platon | Biarritz puis Vannes et Rouen | |
Quiniou | Dax puis Bourg et Rodez | |
Selponi (surclassé car né en 1993) | MHR puis USAP | |
Escande | MHR puis RCT | |
Yobo | Aurillac puis RCT | |
Chalureau | Toulouse puis USAP | |
Chateau | Toulouse puis USAP | |
Derrien | Bourgoin, Dax et Villeurbanne | |
Galletier | MHR | OUI (1 test international) |
Kazubek | ASM puis Nevers | |
Chauveau | UBB puis Massy | |
Gayraud | USAP puis Bayonne | |
Jedrasiak (surclassé car né en 1993) | ASM | OUI |
Carbou | USAP | |
Fidinde | ASM puis UBB, Narbonne et Aubenas | |
Fresia | RCT | |
Vartanov (surclassé car né en 1993) | Racing | |
Taofifenua | USAP puis UBB | |
Poirot | Brive puis UBB | OUI |
Cotet (surclassé car né en 1993) | USAP puis Narbonne et Oyonnax |
Quatre années après leur sélection pour la coupe du monde 2012, cinq joueurs de la génération née en 1992 ont poursuivi une carrière international sénior.
Toutefois, par rapport aux saisons étudiées précédemment, seule la moitié des joueurs sélectionnés jouent en Top 14 (14 sur 28).
Un bon nombre sont en Pro D2 (7, dont beaucoup à l’USAP), en Fédérale 1 (6) et un représente la France en rugby à 7.
Sur l’ensemble du Top 14, on ne retrouve que 24 joueurs nés en 1992. Cette génération représente environ 4 % de l’ensemble des joueurs du Top 14.
Parmi eux, les oubliés des sélections nationales sont : Chauveau du Racing, Daguin du Stade français, Belan au LOU, Laranjeira et Ugalde de Brive, Loustalot du FCG et Corbel, Lebail et Lagarde à La Rochelle.
Cette année, d’autres joueurs nés en 1992 ont d’ailleurs quitté le Top 14 : Perraux, Barba, Houerie, Elissalde. J et Goze.
Bilan
Etre sélectionné au pôle France avant 20 ans, puis en équipe de France des moins de 20 ans, ne suffit plus à avoir une carrière professionnelle en première division.
L’ascenseur social du rugby français est bloqué à mi-étage.
La Pro D2 et la Fédérale 1 offrent une solution de rechange pour ces joueurs qui figuraient pourtant l’élite de leur génération.
Par contre, les DTN de la FFR ne passent pas à coté de beaucoup de joueurs. Leur critères de sélection semblent plutôt efficaces.
Les jeunes fraichement sortis des centres de formation ne résistent pas au chant des sirènes des grands clubs, les contrats proposés leur font dédaigner les propositions des clubs formateurs ou le banc d’essai probant de clubs de Pro D2. Eux aussi choisissent l’immédiateté, et parfois le rêve d’une carrière au plus haut niveau qui les conduit vers la stagnation, dans certains cas la régression et l’oubli.
Au gâchis sportif s’ajoute parfois la difficile reconversion à laquelle il leur semblait inapproprié de penser, aidé en cela par la désinvolture sinon le cynisme du professionnalisme pur et dur. Hormis des qualités exceptionnelles que possèdent quelques rares éléments conjuguées
avec le facteur chance, de fulgurantes mais trompeuses ascensions, leur laissent penser qu’à 20 ans un international devient imparablement un grand dans la foulée. L’analyse de Frédéric Bonnet est plus que révélatrice de la dérive du système et des causes de l’étiolement de l’équipe de France.
Beaucoup de joueurs sont oubliés au niveau internationnal par exemple: bory, peyrelonge, lamboley, jacquet… ont tous connu le maillot bleu!
Les quelques jeunes qui s’entraînent avec les groupes PRO auront je pense une carrière dans le système professionnel ( PRO D2 , Elite 1 , voire top 14 par la suite ) car si il sont là c’est qu’ils ont du potentiel . Pour les autres se sera la Fédérale avec surement des avantages et ,voire même , du travail en parallèle ( avec les temps qui courent c’est pas plus mal ….) . Mais dans tous les cas , pour ces jeunes joueurs qui devront , avec l’aide de leurs agents ( pour ceux qui en on ), accepter de voyager dans l’Hexagone pour trouver un nouveau club si il veulent continuer à jouer à haut ( bon ) niveau .