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Les déchirures musculaires à répétition des joueurs de rugby

Par Frédéric Bonnet

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Il n’est qu’à observer les mâchoires et la musculature de certains joueurs de rugby pour deviner que l’on est désormais arrivé de plein pied dans l’aire du sportif humanoïde artificialisé. La création de chimères-athlètes post-humains corvéables à merci pour aller toujours plus vite, plus fort, plus longtemps répond aux attentes du rugby-spectacle. En quelque sorte comme beaucoup de salariés lambda, mais bien mieux payés, la majorité des sportifs sont condamnés à se doper ou à disparaitre.

La recrudescence des cas de déchirures musculaires et des ruptures tendineuses, dont une soixante de cas en une saison dans un club du Top 14 en 2017, nous rappelle que la testostérone et les anabolisants ont certes un exceptionnel pouvoir d’augmentation de la masse musculaire, mais que le revers de la médaille se paye au prix fort. Le déséquilibre musculaire avec supériorité trop grande de certains muscles par rapport à d’autres dits  muscles « protecteurs » du LCA. Et donc par voie de conséquence des déchirures musculaires, des ruptures tendineuses et ligamentaires à répétition, mais pas que…. 

Les stéroïdes anabolisants

Ce sont des hormones stéroïdiennes de synthèse proches de la testostérone qui agissent sur l’hypophyse et l’hypothalamus. Découverts en 1940, les anabolisants, furent détournés de leur usage médical par des sportifs dès 1954. Ils sont commercialisées sous le nom de nombreux médicaments (androstènedione, clostébol, DHEA, fluoxymestérone, métandiénone, méténolone, oxandrolone, stanozolol, dianabol, nandrolone, testostérone, trenbolone, anapolon, boldenone, turbinant, Winstrol, Anavar ou Primobolan…).

Les athlètes russes ont été les premiers à les utiliser, mais rapidement le fléau s’est étendu aux EU (nageurs, haltérophiles ou footballeurs américains). Ces substances sont utilisées comme brûleur de graisse, agissant rapidement pour développer la force et la masse musculaire. En général, elles sont prises par voie orale et par injection intra musculaire à des doses 100 fois plus élevées que celles prescrites pour traiter des cancers, ce qui augmente d’autant plus le risque d’effets indésirables, déjà nombreux et graves à doses normales.

Les anabolisants sont pris de manière intermittente lors des périodes d’entrainement et en pré-saison pendant plusieurs semaines par la méthode dite des empilements (les utilisateurs prennent plusieurs stéroïdes en même temps, ce qui permet de diminuer les doses de chacune d’entre elles). Les molécules qui ont une demie vie courte (qui s’éliminent rapidement de l’organisme) sont privilégiés pour ne pas être détectés lors des contrôles antidopage.

Rapidement les sportifs sont revenus à la testostérone, car cette molécule sécrétée par le corps était indétectable. Les experts établirent donc un seuil critique du rapport urinaire testostérone et épitestostérone (T/épiT). Sans dopage, 90% de la population à un rapport égal à 1. Reste que pour 0,8% des individus, ce rapport se situent naturellement hors normes. De plus, les sportifs trouvèrent la parade en s’administrant de l’epitestostérone. Désormais, ce rapport est jugé anormal s’il dépasse 6.

Les effets indésirables à court et long terme sont édifiants :

ruptures musculaires, accidents tendineux et ligamentaires

hépatite et cancer du foie, de la prostate et des testicules
hypertension artérielle et infarctus cardiaque ; hypertrophie du coeur
augmentation du taux de cholestérol dans le sang
diabète
apnée du sommeil
diminution de la taille des testicules
stérilité
féminisation définitive des hommes (voie aiguë de castrat, apparition de seins chez l’homme…) ou virilisation définitive de la femme (voix rauque, hirsutisme…)
augmentation du risque d’infections
chute de cheveux
acné
soudure prématurée des cartilages de conjugaison pour les ados
trouble de l’humeur (dépression, agressivité, passage à l’acte violent, suicide)
signes cliniques visibles d’une personne sous anabolisants : féminisation et démasculinisation des hommes (atrophie testiculaire et apparition des seins) et masculinisation des femmes (voix rauque et apparition de poils)

Anecdote sportive : Lors de la prise au long cours d’anabolisants, il est fréquent que de véritables seins (gynécomastie) apparaissent chez les sportifs masculins. Pour lutter contre cet effet indésirable, les joueurs prennent des anti oestrogènes. Malheureusement pour un rugbyman italien de l’équipe d’ Amatori Catania, ces médicaments sont interdits et facilement détectables : démasqué !

Bernard Castang ancien décathlonien, puis joueur de Rugby de 1969 à 1978 à Avignon, La Voulte puis Tulle aux mensurations impressionnants pour l’époque (192 cm pour 104 kilos), faisait l’éloge des anabolisants qu’il considérait comme des produits diététiques (tient cela rappelle les discours actuels à propos des compléments alimentaires) contrairement aux amphétamines (Maxiton à l’époque).

Les prélèvements sanguins et urinaires des sportifs étant conservés pendant une dizaine d’années, on se rend compte en 2016 (grâce aux progrès fait depuis dans les techniques de détection des produits) qu’une trentaine des sportifs ayant participé aux JO de Sotchi en 2008 étaient chargés à un cocktail de trois stéroïdes, méténolone, trenbolone et oxandrolone (pratique de l’empilement) mélangés à du whisky ou du martini (censé accélérer les effets) !

Le talonneur sud afriquain des Sharks Monde Hadebe, 24 ans, 177 cm et 101 kg, a été suspendu 4 ans pour un contrôle positif à deux substances dopantes, dont les stéroïdes anabolisants en juillet 2016.

 

La LH ou hormone luteinisante

Le clomiphène, le cyclofénil et le tamoxifène stimulent la production hypophysaire de LH. Cette hormone déclenche la sécrétion de testostérone par le testicule.

La créatine

C’est un acide aminé naturel présent dans les fibres musculaires et le cerveau, qui joue un rôle essentiel dans l’apport d’énergie aux cellules musculaires et dans la contraction musculaire. Elle est présente dans l’alimentation protéinée (viande, poissons), mais elle est aussi fabriquée par le foie à partir d’autres acides aminés.

Pour être active, elle doit être phosphorylée au niveau du muscle : elle constitue alors une source énergétique musculaire pour répondre aux efforts intenses et brefs. Elle fut utilisée dans les années 90 dans les milieux culturistes suite à des publications scientifiques.

Elle est prise par voie orale ou en injection. A 20 ou 30 g de créatine par jour pendant une ou plusieurs semaines, soit 10 fois la quantité utile et nécessaire pour le corps, on estime que cela revient à manger 4 à 5 kg de viande par jour !

Du fait de son utilisation récente, on manque encore de recul concernant ses effets à long terme. mais de nombreuses études ont montré l’inefficacité d’une supplémentation en créatine, tant sur la puissance maximale développée que sur les sensations de fatigue musculaire ou la récupération.

Par contre ses effets indésirables pour le corps commencent à être mieux connus :

déchirures musculaires
rétention d’eau
problèmes rénaux majorés par les injections (néphropathie, insuffisance rénale)
problèmes cardiaques
irritations gastriques et diarrhées

Anecdote sportive : alors que je travaillais dans un service de pharmacovigilance (service qui collecte les témoignages d’effets indésirables des médicaments et d’autres substances), je reçu le coup de téléphone du médecin d’un club de rugby de première division française. Il voulait savoir si la créatine pouvait entrainer des diarrhées, la moitié de son équipe ayant été affecté en plein match de ce désagrément digestif…

Les athlètes de l’Antiquité tentaient d’augmenter leur force physique en consommant différents types de viande selon leur sport : les sauteurs de la chèvre, les pugilistes du taureau, les lutteurs du porc gras…

Les bêta 2 agonistes : clenbutérol et salbutamol

Ce sont des bêta stimulants d’usage vétérinaire pour le clenbutérol (Ventipulmin) indiqué dans le traitement broncho pulmonaire des chevaux de course ou humain pour le salbutamol (Ventoline, Airomar, Asmanal, Buventol, Combivent, Ventide, Spréor, Eolène, Salbumol, Ventodisk), le salmétérol, la terbutaline, le formotérol ou le fénotérol indiqués dans le traitement de l’asthme en inhalation.

Leur détournement pour usage dopant s’est fait comment souvent par hasard. S’ils renforcent tous la ventilation pulmonaire par leur action bronchodilatatrice, ils sont aussi utilisés à forte dose pour leurs propriétés stimulantes puis anabolisantes comme les stéroïdes. La ventoline est donc autorisée pour les sportifs asthmatiques à des doses très précises et sous forme d’AUT.

Les effets indésirables à forte dose sont :

palpitation cardiaque et tachycardie
ruptures tendineuses et musculaires
tremblements
troubles du comportement
crampes
céphalées
cancer du foie.

Anecdote sportive : le salbutamol fut à l’origine de l’introduction de la notion de seuil pour une substance. On se rappelle que ce qui fait la drogue, c’est la dose. Ainsi, depuis l’an 2000, il est considéré qu’un sportif dont le taux urinaire est inférieur à 100 nanogrammes est un patient asthmatique qui se soigne, qu’entre 100 et 1000 ng, il est positif à un stimulant et qu’au delà de 1000 ng, il est dopé aux anabolisants.

En 1997, Max Godemet, DTN de la FFR, dira que lors de la défaite de l’équipe française de rugby contre les Sudaf 52 à 10, quinze des springboks étaient sous salbutamol (Ventoline), car ils souffraient d’asthme d’effort !

Gaz xénon et argon

Inhalés, ils stimulent la production de testostérone et améliorent la masse musculaire, la puissance et la résistance à la fatigue. Ils favorisent aussi la production naturelle d’érythropoïetine EPO.

Ils peuvent entraîner des frissons, une bradycardie, une hypertension ou une hypotension et une dépression respiratoire.

Hormones de croissance (hGH-somatotrophine) et hormones peptidiques comme la gonadotrophine chorionique (hCG)

Cette hormone est naturellement fabriquée dans le corps, mais elle peut être synthétisée. Elle participe à la régulation des organes, à la croissance du corps en augmentant la masse musculaire (gain en puissance) et en diminuant la masse grasse. Découverte en 1944, elle fut utilisée par des sportifs en 1980. Elle est encore très difficilement détectable, sinon de manière indirecte par son action sur les os : prognathisme ou menton qui avance, allongement de la taille des os.

Elle entraine une hypertrophie osseuse (poignets, genoux, chevilles, mains et pieds), une déformation irréversible du visage et de la tête (avancement prononcé de la mâchoire inférieure, augmentation du périmètre crânien), un diabète irréversible et une croissance anormale du coeur, du foie, des reins et de la thyroïde. On peut aussi retrouver une hypertension, une insuffisance cardiaque, voire un collapsus. ne parlons pas du risque d’encéphalite (maladie de Creutzfeldt Jacob) en cas d’injection de produit contaminé.

Anecdote sportive : un rugbyman de rugby à XIII du club de Wakefield est le premier sportif à avoir été contrôlé positif à l’hGH en 2010 .

En 1991, le docteur B. De lignères, endocrinologue, disait que l’on trouvait presque plus facilement de l’hGH dans les clubs de culturisme des banlieux parisiennes (via la Belgique et l’Espagne) qu’à l’hôpital !

Les prohormones ou précurseurs hormonaux

Les prohormones sont des hormones non matures fabriquées par l’organisme : elles précèdent donc la synthèse du cortisol, de la testostérone ou des hormones thyroïdiennes par exemple. Il est probable que ces molécules soient détournées de leur usage thérapeutique pour leurs effets dopants.

On retrouve donc les mêmes effets recherchés et indésirables qu’avec les hormones qu’elles précèdent. Concernant les hormones thyroïdiennes les effets recherchés par les sportifs sont : augmentation de la consommation d’oxygène et du métabolisme de base, augmentation de la synthèse de la créatine par exemple. Mais attention à forte dose ces hormones ont des effets paradoxaux.

Les effets indésirables sont toutefois nombreux : irritabilité et excitation, , ostéoporose, thermophobie, hyperglycémie, fonte musculaire (amyotrophie), tachycardie et exophtalmique.

Anecdote sportive : le suivi longitudinal instauré par la FFR a permis de déceler des perturbations de la TSH chez une centaine de rugbymen de 2006 à 2008 de première division, autour de Biarritz, Bayonne et Pau. La compensation de la baisse de l’hormone thyroïdienne T3 induite par l’extrême intensité des surentraînements, par la prise d’hormones thyroïdiennes est désormais considérée à du dopage. La prise d’hormones thyroïdiennes, en augmentant la demande en oxygène, favoriserait la fabrication endogène d’EPO.

En 1981, Mohammed Ali en aurait pris à des fins d’amaigrissement des simulation centrale.

L’insuline

L’insuline est utilisée sous forme de médicament chez les patients diabétiques. Cette hormone produite naturellement par le pancréas a une action hypoglycémiante. Elle stimule aussi la libération de l’hormone de croissance ; c’est cette propriété qui peut être recherchée dans le monde sportif.

Ses effets indésirables sont loin d’être anodins : tremblements, sueur et hypothermie. accidents cardiovasculaires et infarctus du myocarde, surdosage mortel (confusion, troubles visuels et coma).

Anecdote sportive : des body builders ont été retrouvés morts par coma par hypoglycémie parce qu’ils se dopaient à l’insuline.

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