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Les dangers des compléments alimentaires : surconsommation dure de produit dopants dits doux

Par frédéric Bonnet

Merci à mon ami Sètois de la garrigues, qui se reconnaitra.

 

Personne ne l’avait relevé à l’époque, mais parmi les restrictions initiales de World Rugby à la candidature de la France pour l’organisation de la Coupe du Monde de Rugby 2023, figurait la trop grande judiciarisation du dopage en France.

On mesure ainsi à quel point l’instance qui gouverne le rugby mondial se soucie de la santé de ses pratiquants. En creux le message est limpide : laissez les joueurs se doper tranquillement, rien ne doit empêcher que le spectacle se déroule. 

Le dopage en rugby n’est pas nouveau. Il a suivi plusieurs modes selon les époques :

– dans les années 60 à 90, celle de l’amateurisme marron : l’ère des stimulants avec la prise d’amphétamines (type Captagon ou Maxiton) ou de caféine à haute dose (Guronsan).

– à la fin des années 90, celle des débuts du professionnalisme et de la préparation physique des joueurs : l’ère de la créatine et de la prise de produits anabolisants. 

– depuis quelques années, s’est rajoutée la prise massive et récurrente de compléments alimentaires : l’ère de la bodybuildarisation des corps des joueurs.

On observe ainsi une concordance de plus en plus frappante entre la mode de la médecine anti-âge et la prise de compléments alimentaires. Rien de plus logique, puisque dans les deux cas le but est de dépasser les limites physiologiques.

Dans les années 80, les entreprises commercialisant les stéroïdes anabolisants utilisaient les stars du cinéma (Stallone, Schwarzenegger ou Van Damme) pour faire la publicité de leurs produits.

Quarante ans après, rien n’a changé, sauf que ce sont désormais les joueurs de rugby qui font la promotion de compléments alimentaires. Or, même si ces produits ne sont toujours pas considérés comme illégaux, ils posent plusieurs types de problèmes sanitaires : pathologies cardiaques particulièrement avec les brûles graisses et problèmes rénaux avec les protéines ou la créatine. En la matière, c’est la dose et la prolongation des prises dans la durée qui font la toxicité.

Etant donné la proportion de joueurs (pros, amateurs, jeunes, séniors) adeptes, les doses qu’ils ingurgitent et la banalisation de leur usage, il est temps d’alerter sur ces produits. Qu’on les considère comme produits dopants ou non, leurs effets sont tous sauf anodins. Les risques d’effets indésirables sont avérés et potentialisés par l’industrialisation de leur vente et de leur consommation.

Les compléments alimentaires et les différentes boissons d’efforts sont devenus très à la mode ces dernières années : pour lutter contre le cancer, pour mieux bronzer, pour éviter la chutes des cheveux, pour lutter contre la fatigue…Selon les publicités ces produits sauraient tout faire ! De fait, la prise de ces produits concerne la société toute entière. Sur l’ensemble des  allégations nutritionnelles recensées par l’Agence Européenne de sécurité des aliments, 99,5 % seraient tout simplement une tromperie commerciale : donner des ailes, énergie explosive, densité musculaire…

D’ailleurs, il n’a jamais été démontré un quelconque besoin accru en micro-nutriments proportionnellement à la dépense énergétique. Les sociétés commercialisant les différents produits sur le marché font références à de pseudo-études scientifiques.

Une alimentation bien équilibrée selon les périodes de la saison peut  couvrir les besoins spécifiques des joueurs. Tout est question d’équilibre : on ne peut vouloir prendre du poids sans perdre à terme de la vitesse.

En fait, la prise de compléments alimentaires est souvent un leurre pour dissimuler la prise de produits stimulants ou d’anabolisants stéroidiens ou non. On sait en effet que ceux-ci n’ont d’effets (prise de masse musculaire de 10 Kg en quelques mois) qu’ à 3 conditions :

  • apport calorique suffisant,
  • supplémentation en protéine,
  • et bien entendu travail physique intense en parallèle.

Selon une étude de l’antenne médicale de prévention du dopage du Languedoc Roussillon, en 2006 le marché mondial des compléments alimentaires représentait 200 milliards de dollars. En 2009, 15 % des hommes et 28 % des femmes en consommeraient au moins trois jours par semaine, depuis plus d’un an.

De plus en plus, on retrouve une convergence entre les marchés de la drogue et du dopage. Une des entreprises des USA les plus connue, et rentable, qui commercialise actuellement des compléments alimentaires a commencé son essor en fabriquant (dans un laboratoire clandestin au Mexique) et en exportant des stéroïdes anabolisants partout dans le monde.

Les joueurs de rugby utilisent principalement deux types de substances dans leurs compléments alimentaires :

  • celles qui augmentent la masse musculaires (produits dits de développement musculaire à l’action anabolisante).
  • celles qui réduisent la masse grasse (produits minceurs, brûleurs de graisses, thermogéniques et énergisants).

Les substances qui augmentent la masse musculaire

Non interdites

Protéines : Les protéines sont des molécules composées de l’assemblement de plusieurs acide aminés. On décompte 20 acides aminés :

  • 8 dits essentiels apportés par l’alimentation, car ils ne peuvent être synthétisés par le corps.
  • 12 dits non essentiels, qui sont synthétisés par le corps, mais que l’on peut aussi trouver dans l’alimentation.

Plusieurs types de protéines sont sur le marché :

La caséine et la whey sont extraites du lait  

  • la caséine, caséinate de calcium et caseine micellaire. Elle représente environ 80 % des protéines du lait. Elle met 6 h à se libérer complètement et permet aux sportifs de rester sans manger de nombreuses heures. 
  • la whey qui représente environ 20 % des protéine du lait. On la retrouve sous plusieurs formes : concentrate (teneur en protéine environ 75 %, le reste étant des glucides ou des lipides), l’isolate (95 % de protéines) et l’hydrolysée (plus pure et fragmentée en peptides, donc plus facile à absorber),

D’autres sources de protéines sont possibles

  • la protéine de blanc d’oeuf, moins rapidement assimilée que la whey,
  • la protéine de soja, à assimilation plutôt lente,
  • la protéine de boeuf,
  • les complexes de protéines, qui sont mélangent en différentes proportions les protéines citées ci-dessus.
  • les protéines de riz, d’avoine ou de pois sont peu exploitées, pour le moment.
  • Les allégations « les protéines contribuent à augmenter la masse musculaire »et « les protéines contribuent au maintien de la masse musculaire » ont été autorisées et figurent dans le règlement n°432/2012 de la Commission européenne.

Acides aminés à chaîne ramifiée, appelés également « Branched-Chain Amino Acids » (BCAA) : ceux-ci regroupent la leucine, l’isoleucine et la valine. Ces acides aminés sont des acides aminés indispensables, c’est-à-dire qu’ils doivent être apportés par l’alimentation.

Glutamine : la glutamine est un acide aminé dont les muscles squelettiques sont les plus grands producteurs. Elle fait partie des acides aminés dits
conditionnellement indispensables, dans la mesure où elle peut être produite en quantité insuffisante par l’organisme dans certaines situations particulières (les états d’agression aiguë par exemple), nécessitant alors un apport alimentaire.

β-hydroxy-β-méthylbutyrate (HMB) et α-cétoisocaproate : le β-hydroxy-β-méthylbutyrate ou HMB est un métabolite issu du catabolisme de la leucine. Cette dernière est convertie en αcétoisocaproate qui, à son tour, est métabolisé en partie en HMB.

L-tyrosine : la L-tyrosine est un acide α-aminé non strictement indispensable, dans la mesure où elle est synthétisée à partir de la phénylalanine. Elle participe à la synthèse des catécholamines :
l’adrénaline, la noradrénaline, la dopamine et la L-DOPA. Elle est aussi précurseur de la mélanine et des hormones thyroïdiennes.

β-alanine : la β-alanine est un acide β-aminé produit in vivo par la dégradation du dihydro-uracile et de la carnosine et est métabolisée en acide acétique. C’est un constituant de certains peptides comme la carnosine et l’ansérine, ainsi que de l’acide pantothénique (vitamine B5), lui-même constituant du coenzyme A.

Arginine : l’arginine est un acide α-aminé classé parmi les acides aminés conditionnellement indispensables. L’arginine est synthétisée à partir de la citrulline, elle-même provenant de l’acide glutamique ou de la glutamine. La synthèse endogène d’arginine est principalement rénale.
L’arginine permet la synthèse du monoxyde d’azote (NO) par la NO synthase.

Créatine : la créatine est un dérivé endogène d’acides aminés. Elle est synthétisée par le rein, le foie et le pancréas à partir de trois acides aminés : l’arginine, la glycine et la méthionine. Plus de 90 % du stock naturel de créatine se trouve dans ls muscles squelettiques. On trouve différentes formes de créatine sur le marché : citrate, nitrate, malate, ester éthylique, pyruvate alcalin, chloydrate et le monohydrate, plus ancienne forme de créatine mise sur le marché. Toutes ces formes se vantent d’être plus efficacement absorbées et de provoquer moins de retntion d’eau, sans qu’aucune étude scientifique sérieuse n’ait pu prouver quoique ce soit.

L’allégation « la créatine améliore les capacités physiques en cas de séries successives d’exercices très intenses de courte durée » est autorisée et figure dans le règlement n°432/2012 de la Commission européenne. Elle est utilisée par les sportifs comme source d’obtention d’ATP , donc d’énergie.

Extraits de plantes :
Tribulus terrestris : Tribulus terrestris L. (tribule terrestre, croix de Malte) est une plante annuelle rampante, appartenant à la famille des Zygophyllaceae. Un grand nombre de composés ont été
identifiés dans l’espèce, dont des saponines, des flavonoïdes et des alcaloïdes.

Plantes du genre Smilax : les extraits entrant dans la composition de certains compléments alimentaires pour sportifs sont issus de Smilax aristolochiifolia Mill. Ces extraits sont particulièrement riches en stérols et saponines stéroïdiennes

Minéraux :
Vanadium : le vanadium est un minéral faiblement absorbé au niveau du duodénum (moins de 1 %) après transformation en vanadyle (V4+) au niveau de l’estomac. Il est transporté dans la circulation sanguine par la transferrine. Il s’accumule principalement dans le rein
et en quantité moindre dans le foie, les os et la rate.

Chrome : le chrome est un minéral souvent formulé sous forme de picolinate de chrome du fait de sa meilleure biodisponibilité.

Interdites

Stéroïdes anabolisants androgènes : les précurseurs des stéroïdes anabolisants (prohormones) sont des précurseurs androgéniques qui, après ingestion, sont transformés en dérivés de la testostérone. Bien que disponibles sur Internet, ces substances sont interdites à
la vente dans de nombreux pays et sont a fortiori interdites chez les sportifs susceptibles d’être soumis à des contrôles antidopage. Parmi ces substances, sont retrouvés notamment l’androstènedione et l’androstènediol. La déhydroépiandrostérone (DHEA) est un cas particulier puisqu’elle est inscrite sur la liste des substances dopantes de l’Agence
mondiale antidopage (AMA)2 mais n’est pas interdite dans les compléments alimentaires.

Clenbutérol : le clenbutérol est un agoniste des récepteurs β-adrénergiques utilisé comme médicament bronchodilatateur à usage vétérinaire et détourné par certains sportifs pour ses effets supposés anaboliques et lipolytiques. Ce produit est inscrit sur la liste des substances dopantes. On peut aussi le classer parmi les substances qui réduisent la masse grasse.

Les substances qui réduisent la masse grasse

Non interdites

L-carnitine : La carnitine est une amine quaternaire. Le seul isomère à présenter une activité biologique est la L-carnitine.

Choline : La choline est apportée par les aliments ou synthétisée de façon endogène. Elle joue un rôle fonctionnel et structural dans les cellules et est notamment un précurseur de l’acétylcholine et des phospholipides. Elle est également impliquée dans le métabolisme des lipoprotéines et fait partie
du groupe des donneurs de méthyle.

2-phényléthylamine (PEA) : La 2-phényléthylamine ou β-phényléthylamine (PEA) constitue la structure de base d’une famille
de composés neuroactifs, en particulier certains neurotransmetteurs endogènes comme la dopamine, l’adrénaline et la noradrénaline. Dans le cerveau des mammifères, la production endogène de PEA est très faible (quelques nanogrammes par gramme de tissu nerveux). La synthèse de PEA résulte de la décarboxylation de la phénylalanine par les
neurones dopaminergiques. La présence de PEA a été mise en évidence dans certains aliments, notamment dans le cacao.

Extraits de plantes :
Cissus quadrangularis : Cissus quadrangularis L. est une plante comestible appartenant à la famille des Vitaceae. Les extraits de cette plante contiennent notamment de la vitamine C et des substances voisines des stéroïdes anabolisants.

Coleus forskohlii : Coleus forskohlii (Willd.) Briq., synonyme Plectranthus forskohlii Willd., appartient à la famille des Lamiaceae. Le nom Plectranthus barbatus Andrews est parfois utilisé pour désigner Coleus forskohlii. Cette plante produit des diterpènes, dont la forskoline.

Garcinia cambogia : le tamarinier de Malabar a pour nom valide actuel Garcinia gummi-gutta (L.) Roxb. (Clusiaceae). Il est le plus souvent désigné par le nom G. cambogia [Gaertn.] Desr. Des extraits issus du péricarpe du fruit de cette espèce contiennent de l’acide (-)-hydroxycitrique ou
HCA (acide 2S, 3S-hydroxycitrique).

Magnolia officinalis : l’écorce de Magnolia officinalis Rehder & E.H.Wilson (Magnoliaceae) est décrite par des monographies dans les pharmacopées chinoise et européenne. Les principaux principes actifs identifiés sont des lignanes (magnolol, honokiol).

Substances extraites de plantes :
Evodiamine : l’évodiamine est l’un des alcaloïdes majeurs du fruit d’évodia (Evodia ruticarpa (A. Juss) Hook. f. & Thomson, Rutaceae).

Caféine : la caféine ou 1,3,7-triméthylxanthine appartient à la famille des méthylxanthines. Elle est présente dans plus de soixante plantes, comme le café, le thé, la noix de kola, le guarana et le maté ; le café et le thé en constituent les principaux vecteurs alimentaires. La caféine peut
également être produite par synthèse chimique.

Théobromine : la théobromine est une méthylxanthine présente dans le fruit du cacaoyer et en plus faibles quantités dans la feuille de thé, la graine de guarana, la feuille de maté et la noix de kola.

p-synéphrine : la p-synéphrine est un alcaloïde naturellement présent dans plusieurs espèces du genre Citrus, notamment de Citrus x aurantium L. ou orange amère, utilisée dans les compléments alimentaires.

Cétone de framboise : la « cétone de framboise » (4-(4 hydroxyphényl)butan-2-one) est un des composés aromatiques principaux du fruit du framboisier.

Interdites

Ephédrine, pseudoéphédrine et phénylpropanolamine : l’éphédrine et ses analogues, la pseudoéphédrine et la phénylpropanolamine, sont des alcaloïdes utilisés par certains sportifs et extraits de plantes du genre Ephedra (Ephedraceae) notamment d’Ephedra sinica Stapf. appeléégalement Ma Huang. Sur le plan structural, ils sont similaires aux
amphétamines. Malgré l’interdiction de commercialisation de l’éphédrine en France et dans de nombreux pays, cette substance reste encore utilisée et est trouvée dans des compléments alimentaires pour sportifs pratiquant la musculation. La pseudoéphédrine et la phénylpropanolamine sont des
décongestionnants des voies aériennes supérieures ; la pseudoéphédrine est toujours présente dans les spécialités pharmaceutiques françaises tandis que la phénylpropanolamine en a été retirée.

Sibutramine : la sibutramine était un médicament indiqué dans la prise en charge de l’obésité et du surpoids, dont l’autorisation de mise sur le marché (AMM) a été suspendue en 2010 suite aux résultats d’une étude à long terme mettant en évidence une augmentation du risque de complications cardiovasculaires. Elle était déjà intégrée depuis 2006 dans la liste des substances interdites en compétition pour les sportifs. Malgré ces interdictions, elle est trouvée dans des compléments alimentaires visant la perte de poids, parfois sans que sa présence ne soit mentionnée sur l’étiquetage.

1,3-diméthylamine (DMAA) : la 1,3-diméthylamylamine (DMAA), également appelée méthylhexanamine, est un stimulant proche sur le plan moléculaire d’un sympathomimétique, le tuaminoheptane, tous deux inscrits depuis 2010 dans la liste des substances interdites en compétition. Elle était utilisée dans les sprays décongestionnants pour la muqueuse nasale. Bien qu’interdite à la vente, elle est encore présente dans des compléments alimentaires (principalement sur le marché américain), dans lesquels elle joue le rôle de stimulant anorexigène.

2,4-dinitrophénol (2,4-DNP) : Utilisé comme « bruleur de graisse », le DNP est un véritable poison du métabolisme cellulaire. Il favorise la phosphorylation oxydative en transportant les protons à travers la membrane mitochondriale, et ce faisant, contrarie la production d’énergie dans la mitochondrie. Résultat : au lieu de produire de l’ATP, l’énergie du gradient de protons est perdue en chaleur. Les cellules compensent alors la baisse du rendement de l’ATP en oxydant davantage les réserves stockées sous forme de glucides et de graisses. Cette propriété lui a valu d’être utilisé comme pilules amaigrissantes au cours des années 1930.
Deux chercheurs de l’Université de Stanford rapportent dès 1933 une forte stimulation du métabolisme, de l’ordre de 50%, avec le DNP et une perte de poids allant jusqu’à 1,5 kg par semaine sans restriction alimentaire. Mais les effets secondaires sont majeurs, avertissent-ils, se traduisant par des épidémies de cataractes, et des décès par élévation de la température corporelle. La molécule est finalement déclarée dangereuse pour la santé et bannie des États-Unis dans le courant de l’année 1938 avant de réapparaitre dans les années 1990, sous la houlette de Dan Duchaine, un gourou des stéroïdes, qui vante son action de brûleuse de graisses auprès des bodybuilders. Le dinitrophénol refait alors surface chez certains sportifs qui veulent perdre rapidement de la graisse corporelle. Une étude menée par le CNRS et l’université de Strasbourg datée de 2017 montre une réduction de 20 % de l’espérance de vie d’oiseaux traités au DNP. Entre 2007 et 2020, le National Poisons Information Service recense 140 cas d’intoxications au DNP et 32 décès. Depuis 2010, au moins 12 intoxications et 3 décès sont survenus en France. 

Ce produit chimique, le 2,4-dinitrophénol a essentiellement un usage industriel, notamment en tant que teinture. Il a aussi été utilisé pour fabriquer des explosifs, des pesticides et des herbicides.

Habituellement vendu sous forme de poudre jaune ou de capsules, le DNP se trouve également sous forme de crème. Si cette substance est déjà dangereuse en soi du fait de ses propriétés biochimiques, les risques liés à son utilisation sont amplifiés par ses conditions de production illégales . Il est le souvent produit dans des laboratoires clandestins n’appliquant aucune réglementation en matière d’hygiène.

Après le décès d’une jeune femme en Angleterre en 2015 et plusieurs autres incidents graves, Interpol avait lancé une alerte sur cette molécule qui constitue un danger pour la population. L’enquête avait révélé que cette jeune anglaise de 21 ans, avait consommé à 4 reprises du DNP, qu’elle s’était procuré sur Internet. Elle avait ressenti une très forte fièvre – l’impression littéralement de « brûler de l’intérieur » – et un emballement du rythme cardiaque. Des symptômes qui peuvent s’accompagner de suffocations, de nausées et de vomissements. Le cas n’était pas unique : la BBC avait évoque 5 décès de culturistes au Royaume-Uni qui étaient liés à la prise de ce produit.  

Plus près de nous, un jeune Rennais de 20 ans, étudiant dans une école de commerce, est décédé le 4 janvier 2020. Un an auparavant, il avait abandonné le basket pour faire de la musculation. Il s’était fourni en DNP d’abord dans une salle de sport puis sur internet. Le jeune homme rencontra rapidement de nombreux effets indésirables : tachycardie, essoufflement, hypersudation, début de diabète, problème de thyroïde, insomnie, vomissement. Il buvait jusqu’à 6 litres d’eau par jour et avait déjà été admis aux urgences pour trois jours d’hospitalisation à l’été 2019. Après sa mort l’autopsie a confirmé l’implication du DNP.

Les témoignages de sportifs adeptes du DNP sont éloquents : Il faut se préparer à des jours entiers passés sous le ventilateur, à ne pas dormir, changer sans cesse ses draps, prendre vingt douches froides desquelles vous sortez transpirant. Se croire dans l’antre de satan, littéralement crever de chaud.

Dans le monde, la consommation de DNP ne se limite désormais plus à la sphère du bodybuilding ou tout simplement sportive, mais s’inscrit plus largement dans une tendance croissante chez les adolescents et les jeunes adultes vers la pratique de construction et de façonnement du corps. Ce qui rend le phénomène d’autant plus inquiétant.

Premier problème : ces produits ont de nombreux effets indésirables doses dépendants.

Entre décembre 2008 et octobre 2015, 282 signalements d’effets indésirables par des médecins, des pharmaciens ou des diététiciens ont été reçus par l’ Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation (ANSES). Les effets les plus fréquents étaient des troubles hépatiques, cardiovasculaires (tachycardie, arythmie, AVC), des troubles gastro-intestinaux, des allergies ou des maladies neurologiques et psychiatriques (troubles anxieux et troubles de l’humeur).

Selon le docteur Victor Navarro, titulaire de la chair d’hépatologie du Centre Médical Einstein à Philadelphie, ces produits seraient responsables de 20 % des effets indésirables hépatiques (DILIN) induits par des médicaments.

Ces produits qui se présentent sous forme de gélules, pastilles, gouttes … ne sont malheureusement pas des médicaments. Malheureusement, car s’ils le devenaient le contrôle de leur prescription et de leur dangerosité serait assuré plus efficacement.

Les substances les plus souvent incriminées sont celles censées augmenter la masse musculaire comme la créatine (voir plus bas), les protéines de lait (lactosérum et caséines), la DHEA (Déhydroépiandrostérone) et celles dites « brûleurs de graisse » comme la choline et la L-carnitine, sans oublier les stimulants comme la caféine ou les amphétamines.

Deuxième problème : leur contenu, leur efficacité et leur nocivité ne sont pas testés par la FDA (Food and Drugs Administration) ou par l’ANSES.

En clair, entre les substances indiquées sur la notice et la réalité des produits présents, il y a souvent un monde. Des analyses effectuées sur 203 produits différents et commercialisés légalement dans le monde, chez 1268 patients de 2003 à 2016 par le NCNPR (National Center for Natural products Research) de l’Université du Mississippi, révèlent que 80 % des produits utilisés pour prendre de la masse musculaire (dont 50 % d’entre eux contenaient  des stéroïdes anabolisants) et 72 % de ceux pris pour perdre du poids sont frelatés. Rappelons aussi que selon le CIO en 2005, 15 % des compléments contennaient des substances dopantes non mentionnées sur la notice.

Le risque de prendre une substance potentiellement toxique ou illégale ou les deux est donc très élevé. A ce jour, l’efficacité de la législation française à propos de certains produits recommandés (la norme AFNOR NF V 94-001 est censée garantir la qualité, la composition et l’absence de contamination de ces produits) est loin d’être prouvée. Elle ne protège les joueurs que dans la mesure où ils ont toujours été systématiquement blanchis après l’avoir brandi au nez de leurs juges, même si le produit contenait une substance dopante.

Ce n’est pas le cas des produits que l’on peut se procurer sur internet ou dans certains pays étrangers. Dans tous les cas, l’alternative à la prise de ces produits très couteux reste une alimentation variée et équilibrée.

Quelques rappels : Les apports en une seule vitamine entrainent des déséquilibres, c’est les cas aussi pour les sels minéraux (douleurs digestives pour le magnesium, infarctus du myocarde et cancers pour le fer par exemple), certaines plantes sont toxiques à doses élevées particulièrement les phytooestrogènes qui entraient des cancers des testicules, de la prostate notamment, la vitamine A ou rétinol est nocive en cas de grossesse, la Vitamine D peut entrainer des cancers du sein, le Gingko, le fer, le calcium, le Millepertuis, le magnésium entraîner des interactions dangereuses avec certains médicaments, la levure de riz rouge entraine des douleurs musculaires violentes et des atteintes hépatiques, la p-synéphrine entraine des hépatites, des hyperphosphorémies, des insuffisances rénales, des tachycardies, des syndromes anxieux…

Anecdote sportive : selon les études, 44 à 100 % des sportifs en consommeraient régulièrement. Une étude réalisée de 2001 à 2002 sur 634 compléments alimentaires venant de 13 pays différents montre que 15 % d’entre eux contient des stéroïdes anabolisants.

Un joueur de football de Liverpool n’a pu être sélectionné en équipe de France pour participer à la coupe d’Europe pour avoir été contrôlé positif à l’higénamine (ou norcoclaurine), un bêtastimulant brûleur de graisse, après avoir ingéré des compléments alimentaires. Dans le passé, Diego Maradona avait été condamné pour les mêmes faits à 15 mois fermes et 15400 euros d’amende. Il faut savoir que ces brûleurs de graisses sont surtout utilisés pour leur effet stimulant améliorant le temps de réaction, la vitesse de démarrage, la lecture du jeu, la vista et la détente verticale.

Dans le même genre, un produit fait fureur dans certains vestiaires avant les matchs : le booster Jack 3D. Il faut dire qu’en plus des substances habituelles, le »no1 des vasodilatateurs » du marché américain des compléments alimentaires contient de la créatine, de la caféine à forte dose et surtout de la DMAA ou geranamine (1,3-diméthylamylamine) un psycho stimulant proche de éphedrine.

Il remplace les cyclones, produits jusque là très à la mode, mais plus surveillés : leur formule dite Maximuscle, Maxpure créatine, Glutamax ou HMB contenaient un dérivé anabolisant, le beta-ecdysterone, extrait de Suma. Et avant eux, les produits Mass Xtreme et Tren Xtreme qui contenait de la méthyl testostérone  (des produits dont la vente a généré des revenus d’environ 5,6 millions de dollars).  

Cas particulier 1 : la créatine

C’est un acide aminé naturel présent dans les fibres musculaires et le cerveau, qui joue un rôle essentiel dans l’apport d’énergie aux cellules musculaires et dans la contraction musculaire. Elle est présente dans l’alimentation protéinée (viande, poissons), mais elle est aussi fabriquée par le foie à partir d’autres acides aminés. Pour être active, elle doit être phosphorylée au niveau du muscle : elle constitue alors une source énergétique musculaire pour répondre aux efforts intenses et brefs. Elle fut utilisée dans les années 90 dans les milieux culturistes suite à des publications scientifiques. Elle est prise par voie orale ou en injection. A 20 ou 30 g de créatine par jour pendant une ou plusieurs semaines, soit 10 fois la quantité utile et nécessaire pour le corps, on estime que cela revient à manger 4 à 5 kg de viande par jour ! Du fait de son utilisation récente, on manque encore de recul concernant ses effets à long terme. mais de nombreuses études ont montré l’inefficacité d’une supplémentation en créatine, tant sur la puissance maximale développée que sur les sensations de fatigue musculaire ou la récupération.

Par contre ses effets indésirables pour le corps commencent à être mieux connus :déchirures musculaires, rétention d’eau
problèmes rénaux majorés par les injections (néphropathie, insuffisance rénale), problèmes cardiaques, irritations gastriques et diarrhées

Anecdote sportive : alors que je travaillais dans un service de pharmacovigilance (service qui collecte les témoignages d’effets indésirables des médicaments et d’autres substances), je reçu le coup de téléphone du médecin d’un club de rugby de première division française. Il voulait savoir si la créatine pouvait entrainer des diarrhées, la moitié de son équipe ayant été affecté en plein match de ce désagrément digestif…

Les athlètes de l’Antiquité tentaient d’augmenter leur force physique en consommant différents types de viande selon leur sport : les sauteurs de la chèvre, les pugilistes du taureau, les lutteurs du porc gras…

Cas particulier 2 : la caféine et ses dérivés

C’est un alcaloïde qui appartient à la famille des xanthines. Dans le café, la caféine est trois fois plus concentrée que dans le thé. A petites doses, la caféine améliore les perceptions sensorielles et a une action stimulante.

Elle produit aussi une vasodilatation des coronaires qui améliore le fonctionnement du coeur et elle épargne l’utilisation du glycogène à l’effort, ce qui entraine une plus grande utilisation des graisses circulantes.

A fortes doses par contre, la caféine provoque des palpitations, voire des tachycardies, des tremblements, des angoisses et des insomnies.

Pour les contrôles antidopage, le seuil de concentration urinaire en caféine a été fixé en 1986 à 12 microgramme par millilitre : ce qui équivaut à l’absorption de 8 litres de café par jour ! Ces concentrations évoquent donc plutôt des injections de caféine, donc une « forme » de dopage.

Parmi les autres molécules stimulantes proches de la caféine, on trouve l’oxymétazoline (autorisée à usage local), l’amineptine, l’amiphénazole, le carphédon, la fencamphamine, le mésocarbe, le pentétrazole, le pipradol ou la terbutaline.

Anecdotes sportives : 

Jacques Anquetil, coureur cycliste, a déclaré, en 1967 au journal miroir du cyclisme, préférer se faire une piqure de caféine plutôt que de boire trois tasses de café, qui lui feraient mal au foie…

Selon le quotidien Sport Bild, en 2016, un tube de Guronsan (un tube contient 15 comprimés, chaque comprimé contient 50 mg de caféine) aurait été retrouvé dans le vestiaire des bleus après leur demi finale contre l’Allemagne lors de l’Euro en France. Ce médicament antifatigue n’est pas interdit, mais figure sur une liste de surveillance pour apprécier son mésusage.

Cas particulier 3 : l’higénamine ou norclaurine (HIC)

Elle fait partie des composants des plantes comme la Tinospora crispa qui poussent dans les forêts tropicales ou mixtes à feuilles caduques en Asie et en Afrique. On la retrouve dans des compléments alimentaires * développés et commercialisés comme « brûleurs de graisses ».

Elle agit sur les récepteurs bêta adrénergiques et stimule le système cardia-respiratoire, le système nerveux central et augmente la masse musculaire.

Elle est utilisée à forte dose par le monde sportif pour son action d’augmentation de la lipolyse (brûleur de graisse) et de la thermogenèse. On en retrouve alors dans les urines en cas de contrôle antidopage.

Toutefois, la vrai raison de son utilisation chez les sportifs est tout autre : elle est surtout utilisée pour son effet stimulant, améliorant le temps de réaction, la vitesse de démarrage, la lecture du jeu, la vista et la détente verticale. En gros, toutes les prises d’information sont accélérées.

Attention, cette substance a des effets indésirables : tremblements, hypokaliémie, tachycardie, troubles du rythme cardiaque, ruptures tendineuses et musculaires.

L’higenamine n’est pas une nouvelle venue dans le marché international des molécules dopantes. Déjà en 1994, Diego Maradona avait été lourdement sanctionné avec 15 mois de prison, 15 400 euros d’amende et une exclusion de la coupe du monde de football après un contrôle antidopage positif à un brûleur de graisse à base d’ephedrine.

Cas particulier 4 : les saponines dérivées du savon

Le danger des saponines dans les compléments alimentaires.
Les molécules aux propriétés anabolisantes les plus couramment utilisées étant naturellement les plus souvent contrôlées, les entreprises spécialisées dans le dopage se tournent en permanence vers des substances apparentées. Elles les commercialisent en général sous forme de complément alimentaire. Ainsi, en 2018, les plantes à saponosides, nommées aussi saponines, sont-elles devenues très à la mode.

Les saponosides regroupent de nombreuses molécules, qui ont toutes en commun d’être des hétérosides de stérol (comme les stéroïdes anabolisants) et de triterpène. On les retrouve dans la nature dans de nombreuses plantes (fénugrec, ginsenq, maronnier d’Inde, l’hydrocotyle…). Historiquement, les saponosides furent utilisés pour leurs propriétés tensio-actives, c’est à dire pour leur pouvoir moussant et détergent. D’ailleurs étymologiquement le mot savon provient du processus chimique de saponification, c’est à dire fabrication de savon.

Ils sont actuellement particulièrement à la mode et consommés massivement par les sportifs pour leur propriétés anabolisantes via des compléments alimentaires type Fénugrec ou Tribulus. Mais attention, toutes les saponines aux noms chimiques tous plus indéchiffrables les uns que les autres pour les profanes ne se valent pas. S’ils ne sont pas encore sur la liste des produits interdits, ils le seront tôt au tard. Tenez vous informés. N’oubliez pas pour finir que ces produits ont les mêmes effets indésirables gravissimes que tous les autres stéroïdes.

La lutte contre le mésusage de cette substance régresse ! L’année dernière un footballeur français et un marcheur chinois (qui remportera ensuite le titre olympique de marche sur 20 km à Rio) ont été condamné à une suspension provisoire de 30 jours pour les mêmes raisons ! 

Cas particulier 5 : le marché des stimulants

Si l’utilisation médicale de l’éphédrine a été officiellement interdite du fait du grand nombre d’effets indésirables qu’elle a occasionné, cette molécule reste largement disponible sur internet. 
Une étude (Adverse Cardiovascular and Central Nervous System Events Associated with Dietary Supplements Containing Ephedra Alkaloids Haller and Benowitz, N.Engl.J.Med, 343:1833-1838, 2000) recense les effets indésirables impressionnants de l’éphédrine avec entre autres de nombreux cas d’hypertension artérielle, de tachycardie, d’accidents vasculaires cérébraux, d’arrêts cardiaques, d’arythmies et d’infarctus.

Par ailleurs les industriels sortent de nombreux produits énergisants et « fat burners » sans éphédrine, mais à base d’autre plantes type Citrus aurantium (Orange amère, bigaradier, orange de Séville, zhi shi) qui comportent des produits actifs tout aussi dangereux  :
• Synéphrine (3 à 6%), agoniste a-adrénergique
• Tyramine
• Octopamine
• 6′,7′-dihydroxybergamottine et bergapten, dont les effets sont potentialisés par de la caféine (guarana, thé vert).

La toxicité cardiaque de la Synéphrine inquiète particulièrement. Cet alcaloïde sympathomimétique qui stimule les récepteurs a et b3 entraine une vasoconstriction pouvant aboutir à différentes pathologies cardiaques.

Des effets sanitaires à venir préoccupants

La banalisation de la prise de compléments alimentaires, qu’ils contiennent ou non des substances interdites, par les joueurs de rugby fait craindre un désastre sanitaire majeur à court ou moyen terme. Le nombre d’accidents cardiaques et d’effets indésirables risque d’augmenter dans des proportions industrielles si aucun contrôle n’est mis en oeuvre à brève échéance. 

Les sportifs devraient se tenir au courant en permanence des risques qu’ils prennent en ingérant diverses substances pour améliorer leurs performances sportives. 

La lutte contre le dopage dans le Rugby ne passera que par la prévention et l’information des sportifs et par la sensibilisation de leurs entraineurs, éducateurs et préparateurs physiques. 

Les victimes du dopage sont toujours les joueurs. Tout simplement parce qu’ils détruisent leur santé avant même l’âge de 40 ans. 

Canal plus et son fournisseur de spectacles la Ligue nationale de rugby (LNR) n’ont aucun intérêt à lutter efficacement contre le dopage. Les médecins et préparateurs physiques des clubs professsionnels sont payés et employés par les clubs. Ils sont juges et partis et quelque soit leur degré d’honneteté, ils se retrouvent perdus en plein conflit d’intérêts.

  

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4 Commentaires

  1. La norme AFNOR ne protège pas malheureusement les sportifs qui cherchent des compléments sans substances dopantes. Elle est dite « auto déclarative », ce qui permet à une marque de pouvoir s’auto labelliser clean sans avoir été certifié par un organisme tiers et indépendant comme pour le bio. Triste réalité qui permet à des loups de rentrer dans la bergerie. Il existe un organisme français tiers et indépendant qui propose un label de confiance mais également le statut antidopage de tous les médicaments vendus légalement en France. Plus d’excuses pour ceux qui se font prendre. On peut donc auto vérifier ce que l’on ingère pour se soigner ou se complémenter.

  2. Cafés , 1 ou 2 Guronsan et Saintol sur les manches des maillots : c’était le « coup de pieds aux fesses » pour le match du dimanche aprés midi !!!. Surement moins nocif que ces produits cités ci-dessus mais sur le principe c’était pareil !!!

  3. Effectivement, le marché des compléments alimentaires est le nouveau Far West pharmacologique… Un article très intéressant et rigoureux. Merci !

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