L’histoire des maillots à damiers au rugby

Par Frédéric Bonnet

Merci à M Olivier Nier, Christian Darlet et au livre « Du CAB au CABBG » pour leur aide ; et à M Inaki Sanudo pour l’inspiration.

Deux clubs de rugby très éloignés géographiquement ont pour point commun d’avoir un maillot à damier. L’Union Sportive Romans Péage un maillot à damier noir et blanc et le Club Athlétique Béglais un damier bleu et blanc.

Malheureusement pour le CAB, on ne trouve plus trace de ces damiers que sur la moitié de l’écusson de l’UBB, ainsi que dans l’esprit des plus fervents supporters du rugby béglais. L’UBB, fruit de la fusion entre le CAB de Bégles et le SBUC de Bordeaux, a en effet décidé dès sa naissance de créer de toute pièce un maillot à scapulaire, semblable à celui des footballeurs des Girondins de Bordeaux. 

A l’origine, ce motif, fait de l’alternance géométrique entre carreaux blancs et carreaux noirs, a été retrouvé en Mésopotamie sur des poteries datant de la préhistoire. Pour les historiens, les hommes cherchaient à exprimer d’une part la notion de dualité et d’opposition entre le noir et le blanc et la notion de stérilité, les carreaux se neutralisant deux à deux.

On retrouve bien plus tard des tissus inspirés de ce motif. En France, le tissu toilé en coton à carreaux tissés vert et blanc ou rouge et blanc, appelé Vichy, est devenu subitement à la mode en 1959 lorsque l’actrice Brigitte Bardot choisit de porter une robe en vichy rose. Mais, il était déjà répandu dans l’Europe entière de la Bavière à l’Italie, en passant par les Pays bas des Brabants jusqu’en Angleterre où il prend le nom de Gingham. Le mouvement artistique des MODS dans les années 60 et le mouvement musical Ska ont repris ce motif noir et blanc.

Dans le monde sportif, l’utilisation des damiers a pour origine les courses hippiques du Mid West des Etats Unis. A la fin des courses, il était de tradition d’appeler les participants à un grand banquet en agitant des nappes à carreaux. Plus tard, lors des courses cyclistes, les organisateurs signalaient l’arrivée ou les passages importants en étant habillés en vichy noir et blanc. Enfin, on dit que pris au dépourvu en pleine partie de dames pendant les 24 heures du Mans, la personne chargée de marquer la ligne d’arrivée, n’aurait trouvé comme solution que d’agiter son plateau de jeu de dames… qui s’est ensuite transformé en drapeau à damier noir et blanc.

La plus grande qualité de ce motif était donc sa grande visibilité. C’est ce qui a conduit la mythique équipe professionnelle de cyclisme de Peugeot Michelin à adopter le maillot à damier noir et blanc, alors que ses précédentes couleurs étaient le jaune et le bleu. Tiens, comme l’ASM !

Revenons au rugby. Il était courant au début du 20 ème siècle que les clubs de rugby anglais universitaires fassent des tournées en France. Ce fut le cas des London Hospitals, club composé d’étudiants en médecine Anglais, Néo-Zélandais, Australiens ou Ecossais. Au départ leur maillot était blanc à rayures bleues, mais ils ont rapidement adoptés les damiers bleus et blancs pour se démarquer des autres équipes universitaires. Lors de leur tournée en 1908 à Lyon et Bégles, entre autre, leur maillot marqua les esprits des jeunes équipes qu’étaient à l’époque le CA Bégles et l’US Romans Péage. Les dirigeants de ce dernier club décidèrent toutefois de changer le bleu en noir (ils étaient peut être cyclistes !). Tandis que les joueurs de Bégles, ville communiste et ouvrière jouxtant la riche et aristocrate ville de Bordeaux, optèrent les damiers bleus, abandonnant ainsi le maillot rouge et bleu prêté par le club SNCF de la ville l’ASPOM.  

Le choix de ce motif original et reconnaissable du premier coup d’oeil marqua longtemps les esprits de tous leurs adversaires en France. Il a d’ailleurs forgé l’âme rugueuse et indépendante de ces deux clubs. C’est toujours le cas de l’USRP en fédérale 1 et du CAB des poussins jusqu’aux juniors. Il faut espérer que cela dure encore…longtemps !