Par Frédéric Bonnet
Mon dernier article intitulé « lettre aux dirigeants de clubs qui vont élire le nouveau président de la FFR » a été censuré et bloqué par un groupe d’individus ce vendredi 9 septembre 2016. A l’heure actuelle cet acte lâche et dictatorial n’ a été revendiqué par personne. Contrairement à certaines publications, il n’est pas question d’incriminer la FFR. Comme le disent les enfants « c’est celui qui l’a dit, qui l’est »… Le sujet est-il si grave et épineux qu’il ne supporte pas d’être évoqué ?
Le nouveau président de la Fédération française de rugby (FFR), qui sera élu début décembre 2016, sauvera le rugby français. Ou alors, il l’enfoncera encore un peu plus dans la sinistrose. Le destin du rugby français dépendra de la nature du combat que ce président mènera contre la Ligue nationale du rugby professionnel (LNR). Afin d’engager les bonnes réformes et de prendre les décisions les plus justes, lequel des quatre candidats à la présidence sera le plus courageux et incorruptible ? Difficile à dire, mais la nature des relations de chacun avec la LNR en dit plus long qu’un programme fleuve.
Quand le rugby cesse d’être un enjeu culturel, quand il ne joue plus son rôle fédérateur dans une ville, une grande partie de son intérêt disparait. La conquête du bouclier de Brennus par le Racing 92 a-t-il eu des répercussions positives dans la ville de Colombes ou à Paris ? Il y a peu de chance puisque ce club s’apparente plus à la franchise d’un grand industriel de l’immobilier qu’à un club enraciné dans une culture humaine.
En France, on compte plus de 400 000 personnes licenciées dans un des 1900 clubs de rugby selon la FFR (1885 selon l’équipe de Bernard Laporte…). Ces clubs sont répartis dans les 32 comités territoriaux qui quadrillent la France.
Parmi ces rugbymen, seuls un bon millier ont un statut de professionnel. Ils exercent leur métier dans un des 30 clubs du Top 14 ou de la Pro D2, voire dans un des 11 clubs de la poule élite de la Fédérale 1.
Dans tous les cas, cette minorité de joueurs se partage les 560 millions du budget du rugby pro : 129 millions d’euros pour la Ligue nationale du rugby professionnel français (LNR), 327 millions pour les clubs de Top 14 et 109 millions pour ceux de la Pro D2. On peut donc estimer la manne financière à environ 14 millions d’euros par club en moyenne.
Pourtant, la très grande majorité des joueurs de rugby, ceux qui jouent dans les autres poules de la Fédérale 1 et jusqu’en quatrième série, se partagent les pauvres 115 millions de la Fédération française de rugby (FFR), soit seulement 13 000 euros par club en moyenne.
Or, dans notre monde ultra libéral et capitaliste, le poids financier d’une institution lui confère des pouvoirs exorbitants.
Désormais, plus aucune agence de notation ne prend en compte le service rendu à une communauté ou les valeurs cardinales que peuvent être le bonheur des individus et des sociétés, leur bonne santé, leur capacité à vivre en bonne intelligence ou leur niveau de connaissance.
Le rugby était un des moyens culturel d’épanouir les individus. Il devient de plus en plus un moyen de gagner beaucoup d’argent et/ou de divertir les foules. Je parle bien entendu du rugby professionnel.
On comprend bien que les intérêts de la richissime LNR ne coïncideront jamais avec ceux de la FFR. Ces deux institutions n’ont simplement pas vocation à défendre les mêmes personnes, ni les mêmes idéaux. Leurs intérêts sont au mieux en concurrence, au pire opposés.
C’est comme si l’on demandait à notre ancien ministre du budget, le fameux docteur Cahuzac, de lutter contre la fraude fiscale. Ou à l’industrie pharmaceutique de dire la vérité sur les effets indésirables de leurs médicaments.
La LNR, qui fut inventée par le ministère des sports pour gérer les clubs professionnels, a pris le pouvoir. En créant une bête à deux têtes, le gouvernement français voulait rester un arbitre incontournable du rugby français. Pourquoi ne pas dissoudre la LNR ou la mettre au service de la FFR ?
Certes les clubs ont toujours eu plus d’importance en France qu’au RU ou dans l’hémisphère sud. Cette spécificité explique l’existence d’une ligue professionnelle dans notre pays. Dans le même temps, en Angleterre, au pays de Galles, en Ecosse, en Irlande ou dans les principaux pays de l’hémisphère Sud, ce sont les fédérations nationales qui ont seules le pouvoir. En France, trente présidents de clubs gèrent notre sport à coup de millions d’euros, tandis que les milliers d’autres dirigeants subissent leur bon vouloir.
Le rugby a un corps dirigé par deux têtes qui regardent dans des directions opposées. Dans cette partie de boxe, l’un des deux se couche plus souvent que l’autre. A n’en pas douter, le plus riche est le plus fort.
Pour un temps, c’est lui qui dicte sa volonté, jusqu’à l’absurde, jusqu’à ce que le rugby français s’effondre. C’est exactement ce qui s’est passé lors de la dernière coupe du monde : une magistrale claque prise par l’ensemble du rugby français contre les All blacks (Plaidoyer pour un pacte rugbystique à la FFR).
L’ élection présidentielle de la FFR en décembre est l’occasion pour les milliers de dirigeants du rugby français de s’exprimer. Il est temps que cette majorité silencieuse dise STOP.
En pareille occasion, le nombre fait la force. A vous de bien écouter les déclarations et les propositions de nos quatre candidats, Pierre Camou, Alain Doucet, Bernard Laporte et Pierre Salviac. Surtout celles à propos de la LNR.
si encore les petits clubs avaient ces 13 000 euros par joueur… Dirigeant d’un club féminin, j’ai du payer en 10 jours sur septembre :
– 315 euros pour acheter les liasses de mutation, ça fait cher le papier
– 30 euros de frais recommandés
et ce pour des filles qui reviennent après avoir fini leurs études ailleurs.
– faire 2 500 euros de chèque de provision pour les licences
– 650 euros pour acheter short et chaussettes
– 150 euros pour communiquer sur le club afin de faire venir des filles
et après il faudra payer les arbitres, les frais de déplacement, les maillots…
et à côté de ça la FFR nous pond une obligation de créer une équipe cadette pour pouvoir jouer à 15.
La ligue n’est-elle pas en train de démontrer comment assécher un immense réservoir de pépinières, d’écoles de rugby, de terroirs, de rejeter tout un peuple éduqué, de vider les stades, de piétiner sans ménagement les armées de bénévoles, qui souvent payaient pour l’être? L’expansion du rugby ne se décrète pas plus qu’ un magnat ne réussira à faire pousser des « pagelles » sur tout un territoire, ce sport exige tout un parcours, un environnement, une culture qui ne peuvent qu’être le fruit d’une patiente et méthodique implantation. La gestion actuelle des hautes instances, après avoir conduit l’équipe de France au rang de nation émergente, ne conduit-elle pas bon nombre de clubs à la faillite? Le rugby de haut niveau ressemble de plus en plus à ces projecteurs les soirs d’été autour desquels des milliers d’éphémères viennent se brûler? de plus en plus de joueurs prometteurs sont broyés pas le système en cours d’emballement au détriment de l’équipe nationale et d’eux même. Un tel constat dépasse largement les volontés, si tant est qu’elles existent des candidats en lice.