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Quelques vérités oubliées au sujet des coûts réels de l’organisation des jeux olympiques de Paris 2024

Par Frédéric Bonnet

 

Le sport moderne nous vient d’Angleterre et nait au XVIIIè siècle. Il a d’emblée été pensé pour être professionnel (grâce à l’invention des bookmakers qui gèrent les paris) et institutionnalisé (par la création de clubs et de fédérations). Il se diffuse rapidement dans tout l’occident via les villes portuaires et les grandes capitales européennes.

Le fait olympique est à lui seule un objet original et spécifique. Comme l’écrit l’économiste Victor Matheson, les malheurs de la Grèce ont commencé avec les JO de 2004 !

Dans quelle mesure en sera-t-il de même pour Paris 2024 ?

Le CIO cette organisation tentaculaire 

L’organisation olympique fondée au XIX è siècle a tout d’une entreprise multinationale. La nomination des membres décideurs du Comité international olympique (CIO) et celle du Comité d’organisation (COJO), le maitre d’oeuvre, se fait toujours par cooptation. En général,ses membres sont de grands aristocrates membres de l’élite de la grande société, plutôt dilettantes et qui privilégient les sports qu’ils jugent « nobles ».

Depuis le début, sa « politisation », au sens de sa proximité avec les différents pouvoirs politiques, y compris les nazis dans les années 30, puis le franquisme par l’intermédiaire de Samaranch, son double langage, ses compromis marquent cette organisation.

Les retombées économiques de l’organisation des JO sont plus qu’aléatoires

Il faut sérieusement faire le tri entre les pseudo-études économiques des cabinets d’études mandatés par les promoteurs des JO et celles sérieuses et scientifiques des experts indépendants. Les premières promettent systématiquement des retombées financières mirobolantes, qui sont malheureusement, mais logiquement, toujours contredîtes à posteriori par les faits. Certes, il existe des retombées en terme d’image, mais celles-ci ne sont pas sérieusement quantifiées.

De fait, et bien que les JO bénéficient d’un régime fiscal dérogatoire, on ne peut que constater la faiblesse des retombées économiques de l’organisation des JO pour une ville ou un pays. L’utilisation intensive par exemple des infra structures après la compétition est le plus souvent très hypothétique. Or le cahier des charges pour l’organisation des JO est extrêmement lourd et oblige les nations à des dépenses considérables pour y répondre. Les coûts de sécurité vont aussi gonfler dramatiquement.

De fait et de manière exponentielle depuis les JO d’Atlanta en 1996 (tiens la naissance du professionnalisme en rugby !), les coûts prévisionnels annoncés sont beaucoup plus faibles que la réalité des dépenses effectives :

  • 3 milliards contre 2 en 1996 à Atlanta,
  • 4 milliards contre 3 en 2000 à Sidney,
  • 11 milliards contre 4 en 2004 à Athènes,
  • 30 milliards contre 11 milliards en 2008 à Pékin,
  • 11 milliards contre 3 milliards en 2012 à Londres.

Toutefois la voix du citoyen, encore faut-il qu’elle soit bien éclairée, commence a être entendue.Une épidémie de défections a ainsi eu lieu pour la candidature aux JO d’hiver de 2022 après diverses consultations démocratiques : Saint Moritz, Oslo, Lviv, Cracovie, Barcelone, Munich, Stockholm.

La facture des JO de Sotchi de Poutine (50 milliards de dépenses) a nettement nuit à l’image des JO en Europe…

Ne parlons pas des révélations des demandes exorbitantes des membres du CIO (portes réservées dans les aéroports, voitures gratuites avec chauffeurs, voies réservées sur les autoroutes, boissons gratuites dans les stades, prise recharge des repas dans les hôtels de luxe etc).

Pour l’obtention des JO 2024, deux villes ont pour ces mêmes raisons abandonnées : Hambourg suite à un référendum auquel ont participé 650 000 votants en 2015 et Boston. Ne restaient candidates que Budapest, Rome, Los Angeles et Paris. Paris a remporté la mise, laissant à L.A le soin d’organiser les JO en 2028.

L’analyse du coût d’organisation de JO est une tâche compliquée : il faut tenir compte de celui de l’organisation sportive (stades, piscines, bases nautiques…), de celui des autres infrastructures (espace média, village olympique…) et de celui des aménagements urbains et de transports.

Une partie importante de ces coûts est en général imputée « exagérément » aux collectivités si le CIO arrive à « prouver » que les aménagements pérennes sont pertinents et bénéficieront à moyen et long terme à la collectivité : la création de telle ligne ferroviaire correspond miraculeusement à un enjeu prioritaire, le lieu du choix de la construction d’un stade passe d’une banlieue d’habitation enclavée à une grande ville riche et prospère…Les luttes d’influence sont alors la règle.

Dans le cas des JO 2024 à Paris les coûts hors aménagements urbains ou de transports ont été estimés à 6,2 milliards :

  • 3,2 milliards pour les coûts d’organisation pris en charge par le COJO et couverts entièrement, selon eux, par les recettes de billetterie (1 milliard), les droits de marketing (1 milliard) et une « contribution » dédiée du CIO.
  • 1,7 milliard pour le village olympique, à la charge des collectivités puisque les promoteurs « assurent » qu’il aurait ensuite vocation à se transformer en lieu d’habitation… 
  • 1,1 milliard de construction ou de rénovation d’équipements accueillant les épreuves, à la charge…encore des collectivités puisque le CIO estime qu’ils sont au bénéfice à long terme des territoires.

Mais quels sont ces 12 équipements si utiles, nécessaires et pérennes, qui pourraient accueillir de 5000 à 15000 spectateurs ?

Des stades, des piscines, un stade de hockey sur gazon, un stand de tir, l’aménagement de la base nautique de Vaires sur Marne, la rénovation de la Halle Carpentier, les aménagements du champ de Mars pour le beach volley, du château de Versailles pour le cyclisme…

Il semble tout à fait impossible aux yeux des économistes experts indépendants de tenir ce budget de 1,1 milliard pour une telle liste de projets.

Les études sur le coût prévisionnel de l’organisation des JO 2024 à Paris ne sont en fait que le déguisement pseudo-scientifique de décisions politiques et économiques. Comment « vendre » un spectacle à une nation chargée de le financer par ses impôts. 

Ne devrait-on pas plutôt baser les critères de décision de cette organisation sur l’utilité sociale que pourrait créer cet évènement à Paris en 2024 ?

Des transports en commun améliorés sur la région parisienne, des logements accessibles aux classes moyennes et défavorisées, des équipements sportifs nouveaux accessibles à tous et au sport amateur. Bref, un investissement qui bénéficie avant toute la population française, pas à quelques investisseurs, promoteurs immobiliers ou membres du CIO et du COJO.

Ne devrait-on pas informer et éclairer les citoyens pour ensuite les consulter comme cela se fait dans de nombreux pays ?

L’impact social de l’organisation des jeux olympiques ne devrait jamais s’effacer devant l’impact économique. 

Le sport pour tous, le sport de masse joue un rôle essentiel de cohésion sociale et d’éducation à la santé dans nos communes et nos régions.

L’idéal olympique chevaleresque n’a pas à se transformer en spectacle abêtissant.

Le coût réel de l’organisation des JO en 2024 sera bien plus élevé que les 6,2 milliards annoncés pour les contribuables parisiens, franciliens et français. Que cet évènement soit au moins utile socialement à notre pays est bien le minimum exigible.

 

 

 

 

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