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Les rucks vont-ils tuer la mêlée et donc le Rugby ?

Par Frédéric Bonnet pour 

Merci à Jean Michel Agest qui m’a donné l’idée de cet article.

 

Le Rugby à XV est devenu en 20 ans de professionnalisme un business qui rapporte gros à une minorité de personnes. Le monde du spectacle, les entrepreneurs et les médias ont été attirés initialement par ce sport pour ses célèbres valeurs (combat collectif, courage, respect et solidarité). Ces mêmes valeurs que paradoxalement le professionnalisme détruit peu à peu. L’âme du Rugby, sa culture et donc sa raison d’être se perd dans les méandres de la rentabilité financière. Le jeu de Rugby ne ressemble plus à rien de connu. La preuve par les chiffres.

Alors, si le message marketing des valeurs sur lequel se basait le succès économique du Rugby est désormais caduque, quel est alors son avenir ? Le Rugby à XIII peut être ou une autre forme de rentre-dedans généralisé.

En effet, le Rugby à XV ressemble de plus à un immense jeu de défi, de casse muraille, d’escarmouches entre 4-6 joueurs (ruck), qui néglige l’évitement et le surnombre. Les phases de conquête collective trop absconses et qui consomment trop de temps d’antennes disparaissent. Nous sommes dans l’aire du rentre dedans aux quatre coins du terrain, des beaux gosses bodybuildés au sourire ultra bright, des poms poms girls, des feux d’artifices, bref des jeux du cirque moderne pour amuser la plèbe. 

Pour optimiser la rentabilité du spectacle rugbystique, les instances mondiales, celles qui légifèrent le jeu, ont rapidement compris qu’il était nécessaire de modifier les règles de ce sport. Le but est de passer d’un sport d’initiés, complexe et intellectuellement exigeant à un sport compréhensible par le plus grand nombre. 

Le Rugby pro rend ses joueurs de plus en plus individualistes. Les rugbymen sont transformés en produits d’investissement à haute valeur marchande. On les sur-entraine, les sur-utilise, les sur-prépare et on les use scientifiquement jusqu’à la moelle. Ils sont devenus des objets high tech comparables au dernier I Phone ou Samsung Galaxy. Des modèles hyper-performants certes, sauf lorsqu’ils buguent (blessures), mais sur une courte période. Pire, la concurrence internationale et la surproduction des « usines à rugbymen » entraine la mise au placard de nombreux joueurs sans qu’ils aient eu la chance de faire leur preuve en  TOP 14 ou de Pro D2. 

Des modèles qui deviennent malheureusement trop vite obsolètes et partent à la casse sans que plus personne ne s’intéresse à eux. Que deviendront les joueurs de rugby mis de force à la retraite vers 30 ans, dans un sale état physique et sans aucun plan de reconversion dans la vie « civile » ?

Les valeurs humaines et sociales du Rugby sont une espèce en voie de disparition. Si rien n’est fait, elles disparaitront totalement quand la génération qui n’a connu que le professionnalisme prendra seule les rênes du Rugby.  

Certes, ce constat n’est qu’un point de vue. Il peut effectivement être remis en cause. Ce qui ne peut pas l’être, c’est l’évolution des statistiques de certaines phases de jeu des matchs internationaux depuis 1995 . 

Phases de jeu par match  Evolution entre 2015 et 1995 2015 2011 2007 2003 1999 1995
Pourcentage de temps où le ballon est en jeu X 1,25  44 % 44 % 44 % 42 % 39 % 35 %
Nombre de rucks et de mauls   X 1,9 178 162 144 136 129 94
Nombre de passes X 1,4 282 262 224 241 229 201
Nombre de mêlées : 1,76 13 17 19 21 22 23
Nombre de touches : 1,42 26 24 31 33 31 37
Nombre de coup de pied : 1,5 39 41 56 52 52 59
Nombre de pénalités : 1,2 22 21 19 24 29 26

Les équipes de Rugby utilisent beaucoup moins le jeu au pied, ce qui entraine une forte diminution du nombre de touches par match. Le choix est de laisser le ballon dans l’aire de jeu, de le déplacer en faisant de nombreuses passes et de ne rencontrer l’adversaire que lors de petites escarmouches qui mobilisent au maximum 6 joueurs (rucks). Des mini-cellules de rentre-dedans et de gratte-ballon qui entrainent de nouvelles formes de blessures. A l’inverse, les mêlées disparaissent et ne sont le plus souvent que des formes de lancement du jeu vers les trois quarts. Dans un futur proche les rucks pourraient bien faire disparaitre LE SYMBOLE du Rugby : LA MELEE.

Les téléspectateurs en ont pour leur argent en terme de blessures et de temps de jeu. Ils ne s’ennuient plus lors des phases de conquête collective. Le jeu est formaté, les joueurs aussi. Le spectacle est total, il sera bientôt interactif.

Bientôt, le peuple des stades décidera de la vie ou de la mort rugbystique des joueurs, des arbitres et des staffs. Un pouce vers le bas signifiera l’expulsion, vers le haut la glorification. On fera certainement un reality show avec des rugbymen. Contractuellement, ils devront tous être mariés à des Top modèles (les pauvres), passer leurs vacances à Monaco ou à Ibiza, si possible défrayer la chronique « people » et rouler en Porsche.

Il ne faut cependant pas céder au pessimisme. Il existe une majorité, certes trop silencieuse, de passionnés du rugby qui détestent le Rugby spectacle. La minorité qui en vit n’est pas prête de renoncer à ses avantages. Mais, elle ne pourra pas longtemps compter sur l’appui des nouveaux adeptes qu’elle a conquis en vingt ans de professionnalisme. Ils sont bien trop volages et ne sont attirés que par le brillant du succès. Ils délaisseront rapidement le Rugby pour un autre sport plus à la mode, le Handball peut être ?

Il ne nous restera plus qu’à récupérer notre sport. Une question de temps. Car, voler le Rugby pour en faire un spectacle à la rentabilité financière optimale afin d’enrichir une minorité est un SCANDALE. Le rugby doit rester un bien commun comme la sécurité sociale ou la sncf : un service public pour que la société vive mieux.

 

 

8 Commentaires

  1. Bonjour,
    je trouve que l’on parle des placages dangereux ( la partie haute des épaules et la tête ), cela serait bien d’équilibrer la première ligne , les deux piliers droite et gauche à plus ou moins égal en poids et grandeur , comment voulez vous avoir une mêlé droite (horizontale)
    avec un joueur qui mesure 1.90 et l’autre 1.70 et un qui pèse 140 kg et l’autre 110 kg ( IMPOSIBLE) C’EST MATHÉMATIQUE

  2. Salut Fred,
    Article interessant comme d’hab !
    Mais tu sembles mettre au compteur de la hausse du nomre de rucks, la baisse des mélées.
    Je ne sais pas s’il y a causalité, meme s’il y a correlation.

    Je mettrais la hausse des rucks au compte du temps de jeu car :
    – aujourd’hui le jeu tend a toujours garder le ballon dans l’aire de jeu… il y a 20 ans, on tapais en touche en non pas dans les 22… donc relance et ruck.
    – d’autre part, les mélees sont la plupart du temps dues aux en-avant… aujourd’hui il y en a peut etre un peu moins…

    Par ailleurs, je reste tres surpris des chiffres… on est passé de 35 à 44% de temps de jeu en 20 ans… je pensais que c’atais beaucoup plus…
    Finalement, ça jouait deja pas mal en 95 !!!!

  3. Très intéressant!
    Ça n’ira pas en s’améliorant, dans les écoles de rugby, le « ruck » est appris très tôt.

  4. Réflexion pertinente comme d’hab. Les mêlées sont sifflées sur des
    en -avants , peuvent être choisies sur une pénalité et cela devient un choix stratégique ( ratio espace libre et nombre de joueurs ) . Je pense que les joueurs sont beaucoup plus adroits et donc il y a moins de mêlées à jouer , ensuite avec la réussite actuelle des buteurs avancer au score à coup de 3 points et une sécurité qui rapporte plus qu’une mêlée sauf si elle est bien placée pour marquer . Le choix stratégique de garder le ballon dans l’aire de jeu permet de mettre une pression constante sur l’adversaire , lui faire commettre des fautes , le faire douter de ses capacités d’attaque et obtenir des pénalités ,sauf si possibilité de faire une touche bien placée et cela devient un choix stratégique ( ratio espace libre et nombre de joueurs ) . Comme pour la mêlée .
    Quant aux ruck il fait partie de l’action menée , il permet de tenir le ballon et être patient , il est perçu comme partie intégrante du lancement de jeu . Il permet de faire du « calcul » aux joueurs trois quart entre autre pour chercher un sur nombre en bout de ligne , en sachant que l’on pourra jouer dans des espaces dit intervalles avant un éventuel contournement .
    Par contre utiliser et jouer que du ruck , c’est joué petit bras, c’est pas prendre de risque , c’est et malheureusement c’est ce qui arrive souvent , à tous les niveaux de pratique , et jusqu’à la formation du jeune joueur en école de rugby où  » le ruck version rentre dedans » et devenu l’apprentissage phare trop précoce , au lieu de se soucier de la vie du ballon par de l’évitement .
    Là oui je n’apprécie pas le ruck .

  5. J’aimais bien le rugby d’avant mais celui d’aujourd’hui a potentiellement du charme. La finale nz Australie est quand même la pour en attester. Nous sommes un peu victimes de notre francocentrisme dominé en club comme en sélection par une certaine médiocrité. Mais ca s’arrange. Le remplaçant de jack white à Montpellier c’est cotter, De Dominguez à Toulon c’est galtier. À mon avis le meilleur est à venir pour ce sport qui abandonnera peut être certaines valeurs en route mais tiendra à garder certains éléments déterminants de l’esprit rugby. Donc wait and see, sachant que comme tout l’évolution du rugby dépendra de l’évolution du monde : pas facile a prévoir 😉

  6. On est me semble t il dans un tournant. On passe quand même doucementbmais sûrement d’essais après récupération à des essais construits en première main. Voit le Japon et les NZ lors de la dernière CM. idem avec les anglais les gallois et surtout les écossais pour ce tournoi.

  7. Fred, ne donnons nous pas raison au Rugby Pro en ne faisant référence qu’à lui pour et par ses qualités et ses excès ? Il y a plusieurs rugby et pas simplement par le nombre de joueurs . L’éducatif , le formatif , celui des « régionales » et des fédérales 2 et 3 . Ne suivant plus que ceux ci , je les trouve en progrès , de plus en plus attractif . Je rajouterai les progrès énormes du corps arbitral à tous ces niveaux d’évolution . Oublions un peu le Top14 ,la Pro D 2 et son antichambre , ne suivont pas les médias et leurs bobos si bien pensants … Les » Autres » aussi méritent notre éclairage . Cordialement

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