Brennus finale france Phases de combats ovales Rugby rugbyman statistiques Top 14 Uncategorized

Les différentes caractéristiques du jeu des clubs du top 14

Par Frédéric Bonnet

cropped-LOGO.png

La superficie de l’Ovalie est plutôt réduite ; le rugby n’est mondialisé qu’au tiers. Mais son image s’est internationalisée grâce à la télévision. Pourtant, ce succès médiatique entraîne une uniformisation de ce jeu afin de le rendre plus compréhensible et spectaculaire. Les équipes de rugby y perdent-elles leur âme et leur personnalité ? Tentons de dégager les caractéristiques des équipes du top 14 en 2015-2016.

Le rugby : un sport plein de diversité

Le trait de génie de William Webb Ellis, collégien de la ville de Rugby, a donné naissance à notre fabuleux et unique sport. Le rugby, sport aristocratique, débarqua en France au Havre, ville portuaire proche de l’Angleterre, donnant au vénérable HAC ses couleurs bleu clair (Cambridge) et bleu foncé (Oxford). Il s’étendit ensuite vers Paris et Nantes. Puis, les étudiants disséminèrent le rugby partout dans la France méridionale en rentrant chez eux, leurs études terminées. Le rugby des villages et des petites villes, le rugby démocratisé, le rugby accessible à tous grâce aux instituteurs et aux profs de collèges, naquit. Ce rugby rural dans sa grande majorité, connut son apogée en 1929 lors de la finale entre Quillan et Lézignan. Mais cette finale opposait déjà deux conceptions du rugby : celle d’une équipe de terroir formée de joueurs régionaux et amateurs (Lézignan) à celle d’une équipe préfabriquée et financée par un mécène (Quillan).

En devenant professionnel en 1996, le rugby est devenu un travail, un métier. La troisième mi-temps tend à disparaitre, les musculatures se robotisent, la camaraderie est même parfois mise en scène (voir les cérémonies d’adieu millimétrées de certains clubs), des stars apparaissent à la place du sacrosaint collectif du rugby, les arbitres sont constamment contestés … et surtout le jeu de rugby devient de plus en plus stéréotypé.

Pourtant, il y a encore peu, on pouvait distinguer les différents pays en fonction de leur style de jeu.

Les anglais pratiquaient un rugby classique et aristocratique. Ce sport n’était accessible qu’à une élite intellectuelle, celle des universités et des collèges. 

Les leaders du rugby irlandais appartenaient tous au milieu riche et intellectuel. Les milieux populaires jouaient eux au football gaélique. Les kangourous australiens préfèraient eux le rugby à treize et le footy. Le rugby à XV n’y était localisé que dans le Queensland et la Nouvelle Galles du sud. 

Le rugby gallois était un cousin du rugby français, un rugby ouvrier, rude et tourné vers l’offensive, avec un manque certain de discipline. Le french flair était donc partagé par les français et les gallois.

Le rugby écossais était un rugby de clan qui souffrait d’un effectif restreint et devait piocher ses internationaux chez l’aristocratique club des London scottish. 

La Nouvelle zélande était, et est toujours, un club de rugby de plus d’un million de joueurs. Tous les enfants du pays reçoivent l’enseignement du rugby dès l’école primaire. Ils pratiquent tous le même rugby basé sur trois principes fondamentaux : possession, position et rythme (ou vitesse). Un rugby de farmers et de Maoris.

Les Sud af ont tous des moyens athlétiques hors du commun. Leur rugby est placé sous le signe de la puissance. C’est un rugby de force.

La multitude des îles de l’archipel de Mélanésie (Fidji, Samoa, Tonga) ne connait, comme la Nouvelle zélande, d’autre sport que le rugby. Leur rugby est spectaculaire et moins classique que leurs voisins All black.

Les différentes personnalités et caractéristiques des clubs du top 14

Les 14 clubs professionnels de notre championnat d’élite se sont battus toute l’année pour tenter de décrocher le bouclier de Brennus. Ils ont disputé  en tout 26 matchs chacuns, et au fil des journées chaque entraineur a pu imposer à son équipe un style de jeu qui lui était propre. Dimanche 5 juin, le classement final de la phase préliminaire du top 14 était le suivant :

1 ASM 88 points et 2 RCT 82 points : qualification directe pour les demi finales.

3 Montpellier 81 points et 4 Racing 81 points : barrage à domicile contre le 5 et le 6.

5 Toulouse 79 points et 6 Castres 72 points : barrage.

7 UBB 67 points: qualif européenne.

8 Brive 62 points ; 9 La Rochelle 54 points ; 10 Grenoble 47 points ; 11 Pau 46 points ; 12 Paris 41 points. 

13 Agen 26 points et 14 Oyonnax 23 points : relégation en pro D2.

On peut définir le style de jeu d’un club en retenant plusieurs critères principaux.

1 Le nombre de passes, de ballons joués à la main

Il permet de faire ressortir les équipes qui jouent le plus et qui forment un collectif humain. Comme le dit Michel Serres le ballon représente le lien social entre les hommes, il est l’auteur du contrat social. La passe, féminin du mot pas (au sens d’aller vers l’autre Daniel Herrero), mesure la circulation du ballon entre les quinze joueurs. La passe en arrière, et donc quasi aveugle, est le symbole du don aux autres.

Jeu de main, jeu de toulousain, ne nous étonnons donc pas que le Stade Toulousain soit en tête du classement du nombre de ballon joués à la main et du nombre de passes par match. Les équipes les plus joueuses sont :

⇒ Toulouse : 227 ballons joués à la main et 141 passes.

ASM : 221 ballons joués à la main et 137 passes.

Racing : 214 ballons joués à la main et 132 passes.

RCT : 208 ballons joués à la main et 129 passes.

Grenoble : 204 ballons joués à la main et 124 passes.

⇒ Au fond du classement, on trouve Brive (161 ballons joués à la main et 89 passes ; Montpellier 163 ballons joués à la main et 100 passes ; Castres 170 ballons joués à la main et 100 passes).

⇒ Les six autres clubs oscillent entre les 185 ballons joués à la main et les 113 passes de l’UBB et les 182 ballons joués à la main et les 103 passes de La Rochelle.

2 Le nombre de mêlées, de mauls, de rucks et de touches gagnées

Il permet de mesurer la cohésion et la solidarité des équipes. Le fait de se grouper, de se lier, à l’aveugle dans la mêlée, debout dans les mauls, en petit tas dans les rucks ou de bouger ensemble dans le ballet de l’alignement, pour développer une force commune, est une spécificité du rugby. Ces phases de conquêtes ne concernent qu’une partie des joueurs, telle l’escarmouche italienne que décrit Michel Serres. Les autres restent observateurs de ce spectacle et attendent que le petit groupe de guerriers partage et transmette la balle durement conquise. La mêlée, invention rugbystique, est le symbole de la lutte collective et solidaire, du don de soi.

Mêlées 

Les rois de la mêlée sont à nouveau les Toulousains avec le plus haut pourcentage de réussite. 

Toulouse : 70,8 % et 165 mêlées gagnées, dont 39 sur introduction adverse.

ASM : 67,7 % et 147 mêlées gagnées, dont 46 sur introduction adverse.

Grenoble : 67,4 % et 147 mêlées gagnées, dont 21 sur introduction adverse.

Racing : 67,3 % et 155 mêlées gagnées, dont 24 sur introduction adverse.

Castres : 65,7 % et 138 mêlées gagnées, dont 33 sur introduction adverse.

Montpellier : 65,3% et 151 mêlées gagnées, dont 16 sur introduction adverse.

A noter que les brivistes ont, avec Pau, le plus faible pourcentage de réussite (59 %), mais les corréziens détiennent le record de mêlées chipées à leurs adversaires (50).

Rucks 

Rois de la passe et de la mêlée, les Toulousains sont aussi princes des rucks.

Toulouse : 75 rucks par match.

Racing et Agen : 74 rucks par match.

ASM : 71 rucks par match.

Grenoble : 69 rucks par match.

En fin de classement, on trouve Castres (60), l’UBB (61), Montpellier (62), le Stade Français et Pau (63).

⇒  Mauls 

Le classement change peu, on retrouve :

Toulouse : 89,3 % de réussite pour 134 mauls.

ASM :89,5 % de réussite pour 111 mauls. 

Pau : 88,7 % de réussite pour 87 mauls.

Racing : 87,9 % de réussite pour 117 mauls.

Et au fond du classement le Stade français (75 % de réussite pour 54 mauls) et La Rochelle (77 % de réussite pour 87 mauls).

Touches 

Les spécialistes de l’alignement sont :

UBB : 89,7 % de réussite et 51 ballons volés aux adversaires.

RCT : 89,4 % de réussite et 25 ballons volés aux adversaires.

ASM : 86,5 % de réussite et 38 ballons volés aux adversaires.

Racing : 85,6 % de réussite et 32 ballons volés aux adversaires.

Les autres clubs tournent autour de 80 % de réussite.

3 Autres stats

Toulouse (1082 min), le Racing (1033 min), l’UBB (1021 min), le RCT (998 min), l’ASM (987 min) sont les clubs qui ont le plus la possession du ballon. A l’opposé, Castres (900 min), Montpellier (919 min), Agen (920 min) et Brive (920 min) étaient dans une position plus attentiste, en attendant la faute de l’adversaire.

Les équipes les plus disciplinées sont Toulouse (12 cartons), l’UBB (14 cartons), le RCT et Montpellier (15 cartons). A l’opposé Pau (29 cartons) a été l’élève le plus turbulent du top 14.

Montpellier (541) et l’UBB (537) sont les équipes qui ont le plus joué de ballons au pied, Agen (376) et Grenoble (406) le moins.

Brive (80) et l’UBB (78) ont marqué de nombreuses pénalités, Oyonnax (50) et le Stade toulousain (51), très peu.

Le RCT est le champion des essais (89), largement au dessus de Toulouse (76), de l’ASM (74), de Montpellier (68) et Castres (67), deux équipes diablement efficaces par rapport au nombre faible de ballons joués. Pau (30) et Oyonnax (37) ont été peu efficaces.

Bilan

Malgré l’arrivée du professionnalisme en 1996, on a arrive encore à distinguer les clubs du top 14 en fonction de leur style de jeu. Style de jeu  imprimé et pensé par les staffs sportifs ou les présidents de chaque club.

Le Montpellier de Jack White, le Castres de Christophe Urios ou le Brive de Nicolas Godignon ont joué peu de ballons et ont fait peu de passes, mais ils ont été terriblement efficaces, puisque les deux premiers disputent les phases finales et le troisième termine à la huitième place. Jack White s’appuie sur un pack de mammouth et une occupation du terrain au pied intelligente, Christophe Urios sur un triangle arrière (15,14,11)  terriblement dangereux lors des turns over et Nicolas Godignon sur la rugosité de son pack et l’efficacité de son arrière buteur.

La majorité des cinq équipes les plus joueuses et qui ont fait le plus de passes sont aussi qualifiées pour les phases finales : Toulouse d’Ugo Mola, qui a aussi une magnifique mêlée, une efficacité redoutable dans les rucks et un pack puissant, l’ASM de Franck Azéma qui a le jeu le plus complet, le Racing du duo Travers-Labit, la deuxième super puissance avec Montpellier, et les feu follets du RCT de Bernard Laporte, qui ont marqué le plus d’essais, mais sont beaucoup moins efficaces devant les perches. Le Grenoble de Fabrice Landreau a beaucoup joué, mais a manqué d’efficacité et a été surtout trop laxiste en défense.

L’UBB de Raphael Ibanez a un peu perdu son jeu de ligne, mais fut exceptionnellement efficace en touche (grâce au travail d’orfèvre de Régis Sonnes) et usa efficacement du jeu au pied.

Les Rochelais de Patrice Collazzo étaient intraitables à domicile, mais méconnaissables à l’extérieur, la Section paloise de Simon Mannix fut transfigurée après l’arrivée de ses deux All blacks, mais a été très indisciplinée.

Les Agenais de Mathieu Blin et les Oyommen des différents entraineurs ont joué, mais n’ont pas été assez efficaces, ni au pied, ni à la main et leur défense fut catastrophique.

Enfin, le Stade français de Gonzalo Quesada a traversé ce top 14 comme un fantôme. Un symbole : leur superbe mêlée n’a été que l’ombre de celle championne de France l’année dernièreprécédente. 

Alors, rugby professionnel stéréotypé en France : non ! En tout cas pas avant les phases finales.

Pour les barrages, Toulouse sera un adversaire terrible pour le Racing. Mais les franciliens seront à domicile, ce qui lui donne un léger avantage. Le vainqueur affrontera les grands favoris pour le bernes : l’ASM. Un club qui n’a qu’un défaut : perdre en finale, sauf une fois.

Les Montpelliérains affronteront Castres, dans un match qui promet peu de jeu, donc peu de contres pour les castrais. Avantage pour les Montpelliérains qui joueront à domicile, puis devront défier des toulonnais forcément plus frais. 

Je mise donc sur une finale ASM contre Toulon.

Stats

Nombre de ballons joués en 2015-2016 par match

clubs ballons joués à la main passes
 Toulouse  245 227  141 
ASM  240   221 137 
 Racing 231   214  129
 RCT  226  208 132 
UBB  205  185  113
Grenoble  204  204  124
 Paris 204   186  114
 Agen  203  189  104
 Pau  200  181  114
 La Rochelle 200   182  103
 0yonnax 198   178  106
 Castres  187  170  100
Montpellier 184 163 90
 Brive  179  161  89

Nombre de mêlées, de rucks, de mauls et de touches joués en 2015-2016

clubs

mêlées

(% et nbre pris à l’adv)

rucks

(gagnés : nbre par match)

mauls

(gagnés : nbre et % gagnant)

touches

(% de réussite et nbre de prise adv)

 Toulouse 70,8% et 39   75 134 et 89,3% 83% et 42 
 ASM 67,7% et 46   71 111 et 89,5%   86,5% et 38
 Grenoble 67,4% et 21  69   110 et 80%  82,3% et 16
 Racing 67,3% et 24   74  117 et 87,9%  85,6% et 32
 Castres  65,7% et 33   61 94 et 81,7%  82,8% et 34 
 Montpellier 65,3% et 16   62  115 et 84,5%  82,7% et 36
 Paris 64,7% et 40   63  54 et 75% 82% et 33 
 Agen 63,1% et 22  74   100 et 83,3% 83% et 23 
 RCT 62,9% et 35   65  115 et 82,1%  89,4% et 25
 UBB 62,1 % et 23   61  116 et 84,6%  89,7% et 51
 Oyonnax  61,6 % et 20  65  128 et 81,5% 84,5% et 23 
 La Rochelle  59,6 % et 31   68  87 et 77%  81,4% et 30
Brive 59% et 50 65 109 et 83,8% 79,6% et 46
 Pau 59 % et 22   63  87 et 88,7% 80,8% et 19 

Nombre d’essais, de pénalités et de cartons

 Clubs essais  pénalités  cartons 
 RCT 89  57   15
 Toulouse  76   51  12
 ASM  74 70   17
 Montpellier  68 72   15
 Castres  67 65   24
 Racing  62  65  20
Grenoble 58 68 19
 La Rochelle 49  74   19
 Agen   47  65 25 
 UBB  44 78   14
 Paris  44  74  23
 Brive  42  80 22
 Oyonnax  37  50  22
 Pau  30  64  29

5 Commentaires

  1. C’est un super travail !
    Même si je pense que des stats sur le nombre de franchissement de la ligne d’avantage et le nombre de plaquages manqués par rapport au nombre total de plaquages auraient très utilement complété l’analyse…

    1. Et bien, en fait, non:
      En gros, ça veut dire que dans le top 14, on ne fait pas de passes…
      Il y a moins de passes que de  » ballons joués » et « à la main ».
      Ça montre surtout que c’est du jeu à une passe, de percussion, de PnG, mais certainement pas un jeu au large. Ce qui est la réalité du terrain au final.
      Si on fait le ration ballon porté / nombre de passe, on se retrouve avec le ST qui a un ratio de 0.6, le RCT de 0.58… (ballon porté = à la main – nombre de passes)
      Mais ce qui faut lire à travers ces chiffres, c’est surtout qu’il y a moins de passe que de possession… Et pour toutes les équipes.
      Autant dire, qu’au contraire, le jeu est très homogène…

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

I accept that my given data and my IP address is sent to a server in the USA only for the purpose of spam prevention through the Akismet program.More information on Akismet and GDPR.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.